Ophtalmologie : l’Assurance maladie attaque
La Sécu a porté plainte contre 16 centres ophtalmologiques soupçonnés de jouer sur la facturation des actes pour se faire plus d’argent.
Les pratiques tarifaires des centres ophtalmologiques sont sur la sellette. Après deux séries de contrôles, la première d’octobre 2020 à juin 2021, la seconde de mars à octobre derniers, l’Assurance maladie a repéré assez d’anomalies pour porter plainte contre 16 d’entre eux, et confier le dossier au parquet de Paris. Les structures visées sont soupçonnées d’escroquerie, de faux et usage de faux, et de fausses déclarations. Tout est parti d’un constat : le coût de la prise en charge dans ces centres s’est envolé en quelques années. De 52 € par consultation en 2015, il est passé, en moyenne, à 90 € en 2019. Un montant bien plus élevé qu’en cabinet libéral classique, où la facture tourne autour de 60 €.
Surfacturation déguisée
La différence n’étant pas justifiée, l’Assurance maladie a épluché la facturation des actes et découvert que certains lieux détournaient les règles à leur profit. Principale faute : des actes réalisés lors d’une même consultation ont été enregistrés à des dates différentes. Une manœuvre en apparence anodine mais illégale, car elle conduit à une surfacturation. En effet, lorsqu’un rendez-vous comporte plusieurs examens de nature différente, la règle de tarification des actes médicaux veut que seul le premier soit facturé plein pot. Les suivants sont 50 % moins chers. Par exemple, si au fond d’œil succède une vérification de la motricité visuelle, celle-ci ne pourra être tarifée que 13,12 €, et non 26,24 €. En les enregistrant sur une série de dates, les centres ont évité la décote, et engrangé plus d’argent.
Dans le même esprit (mais dans une moindre mesure), certains ont fait payer à leur client un même acte à plusieurs reprises, alors qu’il n’y a eu qu’une seule consultation. Il s’agit là d’une « fausse revoyure ». Plus rarement, des examens sur les yeux d’une seule personne ont été facturés pour l’ensemble des ayants droit inscrits sur la carte Vitale. S’il est confirmé par la justice, le préjudice s’élève à 3,6 millions d’euros. Parallèlement, d’autres centres ophtalmologiques aux pratiques tarifaires douteuses ont fait l’objet d’avertissements, en attendant de possibles poursuites s’ils ne rectifient pas le tir.
De leur côté, les centres dentaires, qui se sont également multipliés ces dernières années, ne sont pas en reste. Épinglés dans le rapport « Charges et produits » 2020 de la Caisse nationale d’Assurance maladie, ils se trouvent dans son collimateur : « […] Un certain nombre de centres récemment créés détournent les finalités de la réglementation (détournement du statut d’associations à but non lucratif), afin de s’installer sur des territoires où l’offre de soins buccodentaires est abondante et se positionner sur [un segment] essentiellement lucratif, en particulier sur des activités prothétiques et d’implantologie hors nomenclature, au détriment des actes de soins conservatoires et de prévention », est-il indiqué dans le document.
Anomalies de facturation : Comment les repérer
Difficile pour les assurés sociaux de savoir s’ils ont ou non été victimes d’une surfacturation : les centres ophtalmologiques ont l’habitude de pratiquer le tiers payant. Pourquoi surveiller son décompte, puisqu’il n’y a pas à vérifier que le remboursement a bien eu lieu ? Les relevés sont toutefois disponibles sur chaque compte personnel Ameli (l’Assurance maladie), y jeter un œil ne coûte rien. Le principal point à observer est la date des soins. Les examens effectués lors d’une même consultation ne peuvent pas être répartis sur une série de jours. Si ceux que vous avez subis ont été comptés plusieurs fois, ou ont été étendus à vos enfants, ce n’est pas normal non plus. Signalez-le à votre caisse. Voir si les actes déclarés sont bien ceux qui ont été réalisés se révèle moins aisé, car la nomenclature reste difficile à comprendre. En cas de doute, contacter l’Assurance maladie est un bon réflexe.