Mortalité des abeilles : l’agriculture intensive sur la sellette
Entre l’emploi de pesticides toxiques et les territoires en monoculture qui privent les abeilles de nourriture après floraison, l’agriculture intensive porte une lourde responsabilité dans l’affaiblissement des colonies.
Depuis quatre ans, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) surveille la mortalité des abeilles et l’affaiblissement des colonies au début de chaque printemps, juste avant qu’elles sortent, grâce à un réseau national d’apiculteurs qui lui déclarent leurs pertes. L’Anses rappelle en effet que « 90 % des espèces végétales à fleurs dépendant uniquement des insectes pollinisateurs pour leur reproduction, l’affaiblissement et la mortalité des colonies d’abeilles constituent une préoccupation majeure ».
On ne peut pas dire que le printemps 2021 soit un bon cru, d’après les chiffres qui viennent d’être présentés. Le réseau a enregistré un taux de pertes de 25 % dans les ruches, c’est plus qu’en 2019 et 2020 où il tournait autour de 20 %, mais moins qu’en 2018 où il avait culminé à 30 %. Ceci dit, la situation est anormale et inquiétante tous les ans, d’autant plus que dans la décennie 1990, « les taux hivernaux de mortalité tournaient autour de 5 % », assure l’Unaf, l’Union nationale de l’apiculture française.
La responsabilité des pesticides et plus particulièrement des insecticides est lourde. On sait depuis longtemps que les néonicotinoïdes d’enrobage des semences affaiblissent les colonies, perturbent le développement et le sens de l’orientation des abeilles et les empêchent de retrouver le chemin de la ruche. C’est pourtant seulement après plus de 20 ans de polémiques concernant leur toxicité sur les abeilles que certains ont fini par être interdits définitivement.
En outre, on a découvert, plus récemment, que les pesticides se retrouvent dans la cire des ruches, qui est propice à leur stockage. Les alvéoles renferment des traces d’insecticides pendant des années, ce qui participe également à la mortalité et à l’affaiblissement des colonies d’abeilles.
Frelon asiatique et varroa
Les pratiques agricoles intensives de monoculture sont elles aussi néfastes. « Les abeilles apprécient le colza en fleurs, qui est très mellifère, souligne Pauline Jullien, responsable filière et environnement de l’abeille à l’Unaf. Mais quand on fait de la monoculture sur de vastes territoires au paysage uniforme, la perte de diversité nutritionnelle est très dommageable pour les abeilles, la ressource nutritive peut même manquer. »
Certes, il y a d’autres facteurs nuisibles aux abeilles et le frelon asiatique en est un, de plus en plus présent. Quant au varroa (un acarien parasite), il reste une plaie, mais les abeilles déjà affaiblies par leur exposition aux pesticides y résistent encore moins.
La responsabilité des pesticides est telle dans les mortalités d’abeilles que la procédure de mise sur le marché des produits phytosanitaires est contestée depuis… 2011. Voilà plusieurs années que l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) et l’Anses demandent également sa révision pour y inclure des tests d’évaluation des faibles doses sur les abeilles, sans avoir pu aboutir jusqu’à présent. Le lobbying agro-industriel n’a rien perdu de sa puissance.