Cartes Pokémon : ça spécule à la récré !
La valeur de certaines cartes Pokémon fait tourner la tête des plus jeunes. Mais l’investissement spéculatif n’est pas un jeu d’enfant !
Élodie s’en amuserait presque. Sur la liste de Noël de son fils de sept ans figurent 40 boosters Pokémon, soit 40 paquets de 10 cartes. Serait-il devenu un joueur compulsif ? Pire ! Il pense ainsi toucher le gros lot. « Mes enfants de huit et neuf ans me réclament la même chose : ils ont l’espérance naïve de devenir riches en dénichant une carte rare », témoigne Karl Toussaint du Wast, cofondateur de Net-investissement et conseiller en gestion de patrimoine. Et, de la part de ses clients âgés de 18 à 30 ans, il constate « de plus en plus de demandes d’investissements sur des produits insolites ou loufoques qui leur assureraient des rendements très élevés »… Les cartes Pokémon, qui viennent de fêter leurs 25 ans, en font partie, et ce dès l’école primaire.
Cet engouement a pris de l’ampleur avec la crise sanitaire. La hausse des ventes, couplée à une baisse de la production, a augmenté leur rareté, et donc leur valeur potentielle. Ajoutez-y l’influence des réseaux sociaux, et le désastre pointe. « Des youtubeurs se filment en train de déballer des dizaines de paquets et d’exulter lorsqu’ils tombent sur des cartes rares, en affirmant qu’elles valent des centaines d’euros », expose Mâmotto, collectionneuse de la première heure et animatrice du site Pokégraph. « Le drame, c’est que les plus jeunes regardent ces vidéos et croient pouvoir empocher des fortunes en claquant des doigts, alors que les chances de trouver une carte rare sont infinitésimales », poursuit Karl Toussaint du Wast. Pour ce père de famille, ils n’ont pas conscience des réalités financières. « Si on les laissait faire, ils iraient acheter un ticket de loto tous les jours en pensant gagner ! »
Risques et arnaques
Une carte de 1999 représentant un Dracaufeu a été adjugée plus de 418 000 € sur eBay en février 2021. Un montant qui fait tourner toutes les têtes. « Un papa est venu me parler. Il n’avait que le mot “argent” à la bouche », déplore Mâmotto, qui dirige également une association pour apprendre aux jeunes à – uniquement – jouer aux cartes. Elle décrit un univers qui a changé : « Entre passionnés, on ne discute qu’en privé ; on n’annonce plus les disponibilités de coffrets en magasin, afin d’éviter que des spéculateurs ne se jettent sur tous les stocks. » Le jour de notre interview, un nouveau booster sortait en exclusivité dans une chaîne de magasins de jouets. « Il y a des queues partout. Les vendeurs ne les mettent même plus en rayon et limitent l’achat à un par personne », rapporte-t-elle.
Principal danger : celui d’être trompé sur le prix, à l’acquisition ou la revente. « Pour investir sur un actif, il faut le connaître parfaitement, au risque de se faire avoir : les collectionneurs de montres de luxe, par exemple, ont des années d’expérience derrière eux », rappelle Karl Toussaint du Wast. À l’adresse des néophytes, des sociétés se chargent d’évaluer les cartes, comme PCA dont l’activité en France a été multipliée par 100 en un an. La fille de Stéphane, autre témoin, y a expédié toute sa collection en avril 2021. « Nous n’avons eu un retour que sept mois plus tard, ce qui l’a empêchée de vendre des cartes dont le prix avait atteint un plus haut niveau en mai-juin », regrette-t-il. Petite consolation : une carte qu’elle avait payée 4 € il y a trois ans au Japon est désormais estimée autour de 350 €…
La contrefaçon fait rage
« Partout où il y a de l’argent, il y a des hyènes », rappelle Karl Toussaint du Wast, conseiller en gestion de patrimoine. La copie parasite le milieu. Destinées à l’Europe, 7,6 tonnes de cartes contrefaites ont été interceptées à Shanghai fin novembre 2021. « Toutes celles vendues sur Wish et AliExpress sont fausses », prévient la collectionneuse Mâmotto, qui recommande de n’acheter qu’en magasin.