Frais de rejet de prélèvement : la loi pouvoir d’achat doit libérer au moins 1 milliard d’euros pour le budget des consommateurs
Alors que le Gouvernement entend présenter après les élections législatives un projet de loi pour soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs face à l’inflation, l’UFC-Que Choisir l’exhorte à mettre au pas les excès des banques en matière de frais d’incidents, notamment en cas de rejet de prélèvement. Constatant l’inefficacité de la concurrence à juguler ces frais à l’origine d’une scandaleuse ponction bancaire de l’ordre de 1,8 milliard d’euros sur le budget des consommateurs, l’association presse les pouvoirs publics de la réduire drastiquement, et d’imposer aux banques le remboursement automatique des rejets facturés en doublon, estimés à pas moins de 400 millions d’euros par an.
Les banques gagnent à tous les coups sur les incidents de prélèvement
Alors que les difficultés à boucler les fins de mois touchent toujours plus de ménages, la cherté des frais bancaires alimente la dégradation de leurs pouvoirs d’achat. C’est en particulier le cas pour les incidents en lien avec des prélèvements (remboursement de crédit, paiement d’une facture de d’électricité, etc.) comme le montre notre analyse des brochures tarifaires des 21 établissements représentatifs du secteur (1).
Lorsque le paiement est autorisé malgré un compte dans le rouge, une commission d’intervention est débitée au plafond légal de 8 euros (2). Pour enfoncer le clou, une banque sur quatre (24 %), toutes membres du Groupe Banques Populaires – Caisse d’épargne (3), ne trouve rien de mieux que d’alourdir la note en adressant à leurs clients une lettre « d’information » à 10,70 euros en moyenne.
En cas de rejet de prélèvement, toutes les banques appliquent systématiquement des frais au plafond légal de 20 euros (4), signe d’une concurrence totalement inefficiente.
Frais de rejet de prélèvement : une ponction insupportable sur le pouvoir d’achat estimée à 1,8 milliard d’euros
Sur la seule année 2020, et alors que les pouvoirs publics maintiennent l’opacité sur ce que les frais de rejet de prélèvement rapportent aux banques, l’UFC-Que Choisir estime (5) qu’elles ont engrangé jusqu’à 1,8 milliard d’euros sur le dos de consommateurs connaissant des difficultés de trésorerie, qu’elles soient ponctuelles ou durables.
Ces encaissements massifs sont particulièrement contestables si on se réfère à ce qui se pratique chez nos voisins européens. En effet, en France, ces frais sanctions s’avèrent trois fois supérieurs à ceux pratiqués en Belgique (6) (6,90 euros) et même respectivement huit et dix-sept fois plus élevés qu’en Italie (7) (2,50 euros) et en Allemagne (8) (1,20 euro). De tels écarts confirment le niveau exorbitant des marges pratiquées par les banques françaises sur les frais d’incidents et qui ont été évaluées à pas moins de 86 % (9) par notre association.
Dans un contexte de tensions inédites sur le budget des consommateurs (10), le Gouvernement doit se saisir de la loi pouvoir d’achat pour contraindre les banques à revenir à la raison sur les frais de rejets de prélèvement. En interdisant, par exemple, qu’ils excèdent le niveau des commissions d’intervention, les consommateurs verraient leur pouvoir d’achat augmenter de plus d’un milliard d’euros sur une année.
Doublon de rejet de prélèvement : des trop-perçus dissimulés par les banques
Les frais de rejet de prélèvements sont d’autant plus scandaleux que 20 % de ces encaissements relèvent de trop-perçus au profit des banques. En effet, un prélèvement rejeté est à nouveau présenté par le créancier dans un délai allant de quatre à dix jours (11). En conséquence, il occasionne, si le compte n’a pas été alimenté entre-temps, des doublons de frais estimés par l’UFC-Que Choisir à environ 400 millions d’euros en 2020 (12) !
Si, conformément à la loi, les consommateurs peuvent en obtenir le remboursement, force est de constater que l’écrasante majorité des banques rechignent à restituer cette manne. Hormis La Banque Postale et BRED Banque populaire qui rétrocèdent automatiquement l’intégralité de la sur-ponction, 90 % des banques n’informent tout simplement pas leurs clients de ce droit sur leur plaquette tarifaire. Dès lors comment s’étonner qu’il soit rarement mobilisé dans les faits par les consommateurs comme l’a récemment relevé la répression des fraudes (13) ?
Déterminée à s’attaquer à la rente des frais d’incidents bancaires et libérer au moins 1 milliard d’euros pour le budget des consommateurs dans le contexte de forte inflation, l’UFC-Que Choisir presse le Gouvernement dans le cadre de son projet de loi pouvoir d’achat à :
- Plafonner les frais d’incidents en fonction des coûts réellement supportés par les banques ;
- Élargir le plafonnement global des frais d’incidents bancaires à tous les consommateurs ;
- Imposer le remboursement automatique des frais de rejet de prélèvement en doublon.
Parallèlement, l’association met à la disposition de tous une lettre type permettant d’obtenir le remboursement des frais de rejet de prélèvement facturés en doublon.
Notes
(1) Ces 21 établissements bancaires sont représentatifs selon le Rapport annuel 2021 de l’Observatoire des tarifs bancaires du Comité consultatif du secteur financier. En effet, ils totalisent près de 53 % de parts de marché pour les comptes des consommateurs.
(2) À l’exception notable de la banque postale qui facture 6,90 euros par opération.
(3) Banque populaire Méditerranée, Banque populaire du Nord, Caisse d’épargne Grand Est Europe, Caisse d’épargne Île-de-France, Caisse d’épargne Midi-Pyrénées.
(4) Pour un prélèvement de 20 euros ou plus.
(5) Calculs UFC-Que Choisir : 4,6 milliards de prélèvements ont été réalisés en 2020 (Banque de France) avec un taux d’impayé estimé à 1,5 %. Après un premier rejet, 25 % des prélèvements sont à nouveau rejetés (CCSF). Par hypothèse, nous appliquons ce reliquat jusqu’à 3 rejets. Faute de transparence, cette estimation vise à fixer les idées sur les ordres de grandeur. Seuls les frais de rejet sont pris en compte. L’estimation ne tient pas non plus compte du mécanisme de plafonnement des frais pour les consommateurs désignés comme étant « fragiles ».
(6) Moyenne des tarifs belges, calculée à partir des brochures des trois principales banques belges (BNP Paribas Fortis, KBC Bank, ING Belgique).
(7) Moyenne des tarifs italiens, calculée à partir des brochures des trois principales banques italiennes (Intesa San Paolo, Unicredit, MPS).
(8) Moyenne des tarifs allemands, calculée à partir des brochures des trois principales banques allemandes (DB, Commerzbank, Berliner Volkbank).
(9) Plafonnement des frais d’incidents bancaires, L’arbre qui cache la forêt, UFC-Que Choisir, 2018.
(10) Le pouvoir d’achat est attendu en recul de 1,5 % au premier trimestre 2022, une baisse d’une ampleur inédite depuis 2021. Point de conjoncture du 9 mai 2022, INSEE.
(11) Rapport Frais d’incidents bancaires, Comité consultatif du secteur financier, 2018.
(12) Voir note de bas de page n°1.
(13) Enquête Information et licéité des frais bancaires, DGCCRF, 09/09/2021.