Déblocage exceptionnel de l’épargne salariale : Questions-Réponses
Pas moins de 9,5 millions de salariés sont concernés par le déblocage anticipé de leur épargne salariale d’ici à la fin 2022. En attendant la parution dans les jours qui viennent d’une circulaire interministérielle d’application, voici nos précisions sur ce dispositif inscrit dans la loi du 17 août dernier, visant à redonner du pouvoir d’achat aux ménages.
Quel est le principe de ce dispositif ?
Permettre aux 9,5 millions de salariés (1) qui bénéficient d’un plan d’épargne dans le cadre de leur entreprise de débloquer tout ou partie de leurs avoirs, dans la limite de 10 000 €, de façon exceptionnelle et sans impôt sur les plus-values ou intérêts engrangés.
Quels sont les plans d’épargne entreprise concernés par ce déblocage anticipé ?
Uniquement les PEE (plan d’épargne entreprise) ou les PEI (plan d’épargne interentreprise) et les PEG (plan d’épargne groupe). Les plans épargne retraite Percol et les Perco (non encore transformés en Percol), dédiés comme leur nom l’indique à une épargne longue, en sont exclus.
Quels sont les montants éligibles ?
Toutes les sommes versées au titre de la participation (obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés) ou de l’intéressement et qui ne sont pas encore disponibles car ayant été investies il y a moins de 5 ans sont potentiellement éligibles à ce déblocage anticipé. Concrètement, il s’agit des sommes versées au cours des années 2021, 2020, 2019 et 2018. La participation ou l’intéressement versés depuis le 1er janvier 2022 ne sont en revanche pas éligibles à ce nouveau dispositif. A priori, il en va de même pour l’abondement éventuel de l’employeur (ce point reste toutefois à confirmer dans la circulaire en attente) ou les versements volontaires effectués par les salariés.
Concrètement, quels fonds désinvestir ?
Tous les supports d’investissement sont visés, sauf les fonds investis dans des entreprises solidaires. Et pour les fonds investis en titres de l’entreprise elle-même, il va falloir signer au préalable un accord collectif autorisant leur déblocage anticipé. À partir de là, si votre dispositif d’épargne salariale dispose, comme cela est souvent le cas, d’une large palette de FCPE et si vous avez vous-même choisi de placer votre épargne dans plusieurs de ces supports, la question de savoir quels supports désinvestir en priorité peut se poser. Chez Amundi, premier acteur de ce secteur, par exemple, un salarié « devra peut-être choisir quels fonds désinvestir. Il pourra ainsi garder la part la plus volatile de ses investissements et ne récupérer que l’épargne logée actuellement au sein de fonds monétaires par exemple », fait remarquer Sophie Lebeau, secrétaire générale du métier épargne salariale et retraite chez Amundi.
L’accord de l’employeur est-il nécessaire ?
Non. La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a simplement prévu que les entreprises disposaient de 2 mois pour informer leurs salariés de l’existence de ce nouveau dispositif. Vous devez donc recevoir cette information avant le 17 octobre prochain, par quelque moyen que ce soit (Intranet, mail…).
Y aura-t-il un formalisme spécifique ?
A priori, non. Comme aujourd’hui, ce retrait pourra être réalisé très simplement, en ligne ou via l’appli développée par votre teneur de compte. « Nous avons adapté notre site web et l’appli mobile pour que les salariés puissent immédiatement repérer ce nouveau cas de déblocage anticipé. En cliquant dessus, ils verront apparaître le montant total éligible les concernant, hors sommes investies dans des fonds solidaires ou déjà disponibles car investies depuis au moins 5 ans, dans la limite des 10 000 € nets autorisés », explique Sophie Lebeau. Comptez 3 à 5 jours en moyenne à partir de la date de valeur liquidative (voir ci-dessous) pour que les sommes rachetées soient créditées sur votre compte bancaire.
Cette opération sera-t-elle soumise à des frais ?
Oui, à n’en pas douter. Il serait en effet étonnant que les teneurs de compte (Amundi, Natixis Interépargne, Crédit mutuel, Société générale…) qui en appliquent d’ordinaire pour un rachat anticipé tel que prévu par la réglementation, s’en privent. D’autant que pour répondre à ce dispositif, ils ont dû faire face à des coûts de développement informatique imprévus. Une grande partie des établissements pourraient s’orienter vers des frais fixes, de l’ordre de 10 € ou 15 €, quelle que soit la somme débloquée.
Est-il possible de récupérer son épargne en plusieurs fois ?
Non. Contrairement aux informations que nous avons publiées avant le vote définitif de la loi, il ne sera possible de débloquer son épargne qu’une seule fois. Vous pourrez toutefois actionner ce levier exceptionnel même si vous avez déjà récupéré de façon anticipée une partie de votre épargne depuis le début de cette année, comme la réglementation l’autorise dans certaines situations.
Jusqu’à quand faire sa demande de déblocage anticipé ?
Jusqu’au 31 décembre prochain, sachant qu’il s’agit là de la date ultime pour exercer votre demande de déblocage anticipé auprès de l’établissement gestionnaire de votre PEE, mais qu’il ne s’agit pas de la date à laquelle les fonds pourront être virés sur votre compte bancaire.
Ce détail n’en est pas un : le calcul de la valeur liquidative de certains fonds ne s’exerce pas toujours de façon journalière, mais parfois de façon hebdomadaire ou mensuelle. Le cas échéant, si vous n’avez pas effectué votre demande de déblocage suffisamment en amont, la somme pourrait n’être créditée sur votre compte qu’en janvier 2023… Malgré ce décalage évident, et en l’état actuel du texte de loi et de la future circulaire d’application à paraître, l’achat de biens ou de prestations de services devrait tout de même avoir lieu avant le 31 décembre prochain !
Faudra-t-il payer un impôt sur les plus-values réalisées ?
Non. Cette exonération est la même que celle en vigueur pour tous les rachats anticipés autorisés par la réglementation.
La somme retirée sera-t-elle grevée des prélèvements sociaux ?
Oui. Les 17,20 % de prélèvements sociaux vont bel et bien s’appliquer sur la part des intérêts qui sera comprise dans le retrait effectué. Vous avez toutefois la possibilité de demander jusqu’à 10 000 € nets de ces fameux prélèvements : ceux-ci seront alors déduits en amont par le gestionnaire de compte avant d’être reversés au fisc.
Que va-t-on pouvoir financer ?
L’achat de biens ou la fourniture de prestations de services. La loi ne précise pas quels types de biens ou de services sont éligibles. On peut donc supposer qu’en plus des achats exceptionnels (aménagement de la maison, changement de véhicule…), les dépenses contraintes du quotidien devraient l’être aussi (achat de carburant, de courses alimentaires, factures d’électricité, de gaz…). Attention : on ne sait pas encore avec précision si les achats devront être réalisés une fois l’épargne salariale débloquée ou si les achats effectués avant seront également éligibles à ce dispositif.
Doit-on justifier de l’emploi des fonds ?
Oui, c’est pourquoi il va falloir garder soigneusement toutes les factures des achats ou des services payés depuis la date de publication de la loi pouvoir d’achat, soit le 17 août dernier, jusqu’au 31 décembre de cette année, afin de pouvoir les fournir à l’administration fiscale en cas de contrôle a posteriori. En effet, en termes d’impôt sur le revenu, l’administration fiscale dispose d’un délai de reprise de 3 ans qui court jusqu’à la fin de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due.
(1) Source : Participation, intéressement et épargne salariale en 2020, Dares, avril 2022.