Anti-inflammatoires : ils pourraient entraîner des douleurs à long terme
Les anti-inflammatoires sont des médicaments couramment donnés contre les douleurs. Mais la suppression de l’inflammation pourrait être contre-productive, favorisant au contraire les douleurs à long terme.
Comment une douleur récente (aiguë) se transforme-t-elle en douleur à long terme (chronique) ? On le comprend encore trop mal sur le plan physiologique. C’est pourtant une question cruciale quand on sait qu’en France, 12 millions de personnes souffrent de ces douleurs persistantes et difficiles à calmer. Des indices suggèrent que l’inflammation qui se produit au début de la douleur serait, contrairement à une idée reçue, une alliée de la guérison.
Une étude récente (1) a exploré le sujet sous divers aspects. Pour commencer, les chercheurs, canadiens, ont analysé une base de données de personnes atteintes de lombalgies chroniques. Il est apparu que ceux qui avaient pris des médicaments anti-inflammatoires plusieurs mois auparavant développaient plus souvent des douleurs chroniques. Ce genre d’observation ne permet toutefois pas de conclure : après tout, le traitement par anti-inflammatoires peut être le reflet de la gravité de leur mal et non la cause de sa persistance.
Les chercheurs sont donc allés voir ce qui se passait au cœur même des cellules des personnes souffrant de mal de dos d’abord au moment où elles ont commencé à avoir mal au dos puis 3 mois plus tard. Chez les personnes qui avaient toujours mal au bout de 3 mois, il n’y avait pas de changement notable. En revanche chez celles qui n’avaient plus mal au bout des 3 mois, ils ont observé des milliers de changements dans les protéines produites (c’est ce qu’on appelle le transcriptome) et notamment des changements liés à l’inflammation. C’est comme si le corps déclenchait une inflammation propice au rétablissement.
Pour s’en assurer, une expérimentation a été menée chez des souris en les traitant avec différents médicaments antidouleur : certains aux propriétés anti-inflammatoires, d’autres non. Tous soulageaient à court terme. Mais sur le long terme, la prise d’anti-inflammatoires (corticoïde ou diclofénac) prolongeait la durée de la douleur alors que les antidouleurs sans effet anti-inflammatoire (morphine par exemple) n’avaient pas cet effet.
Usage contre-productif
Pour aller encore plus loin dans la démonstration, les chercheurs ont pris les souris traitées par des anti-inflammatoires et leur ont injecté des cellules immunitaires, impliquées dans l’inflammation : des neutrophiles. Résultat : chez ces souris, la douleur ne durait pas plus longtemps que chez des souris traitées par les antidouleurs sans effet anti-inflammatoire.
« L’inflammation a sa raison d’être, et il pourrait être dangereux de tenter de l’enrayer », estime un des auteurs. Cela jette donc un doute sérieux sur l’intérêt de prendre des médicaments anti-inflammatoires (ibuprofène, naproxène, diclofénac) pour des douleurs récentes. En dépit de leur effet antidouleur au début, leur usage pourrait être contre-productif sur le long terme pour les maux de dos. « Nous avons découvert que la suppression de la douleur était un processus biologique actif, conclut la professeure Diatchenko, de l’université McGill, une des auteurs de ces recherches. Il faudra mener des essais cliniques pour comparer l’action de médicaments anti-inflammatoires à celle d’autres analgésiques qui suppriment la douleur, mais pas l’inflammation. »
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(1) Science Translational Medicine, 11/05/2022.