Paris sportifs : les litiges ont la cote
Face à un litige avec un opérateur de jeux en ligne, les joueurs peuvent se tourner vers le médiateur des jeux, qui a pour but de trouver un règlement amiable. Mais toutes les plaintes ne donnent pas lieu à une compensation.
Des bonus de bienvenue versés puis repris, un pari annulé, un montant de mise limité par le site… 1 734 saisines ont été adressées l’an dernier au médiateur des jeux, dont la quasi-totalité de la part de parieurs qui s’estimaient lésés par les opérateurs de paris sportifs. Les jeux d’argent et de hasard sont considérés comme un service marchand, et les joueurs bénéficient des mêmes protections que pour tout bien de consommation.
Ainsi, les sites sont tenus d’honorer le contrat qui les lie à leurs clients, et ne peuvent introduire de clauses abusives dans leurs conditions générales d’utilisation (CGU). Dans le cas contraire, leurs clients peuvent légitimement les contester. La fonction de médiateur a été instituée en 2019, avec pour mission de « favoriser le règlement amiable des litiges entre les joueurs et les opérateurs » avant un recours à la voie judiciaire (lire encadré).
Des litiges sur le résultat, la limitation ou l’annulation du pari
Les principaux litiges portent sur le résultat du pari ou son annulation. Viennent ensuite des insatisfactions concernant les offres de bienvenue, la limitation des mises imposée par l’opérateur, des fermetures de compte contestées, ou encore des demandes de retraits de gains non satisfaites…
Le plus gros opérateur, Winamax, est aussi celui qui concentre le plus grand nombre de réclamations, en particulier sur les offres de bienvenue et les paris. En cause, « une insuffisante attention apportée à la rédaction des libellés des paris qui comportent des erreurs ou des ambiguïtés, voire sont incompréhensibles », tacle Denys Millet, le médiateur des jeux, dans son rapport annuel.
Des offres floues au détriment des joueurs
Certaines offres s’avèrent floues, au détriment des joueurs. Ainsi, les paris sur les matchs incluent en général le temps additionnel, mais pas les prolongations ni les tirs au but, ce qui est loin d’être intuitif ! « La prise en compte des prolongations implique une mention spéciale dans l’objet du pari », alerte Denys Millet.
Parmi les autres motifs de mécontentement, figurent par exemple une vérification de l’identité des clients estimée trop tatillonne, des difficultés à retirer les sommes gagnées, des fermetures de comptes abusives ou des montants de mises limités au nom de la lutte contre l’addiction ou la fraude alors que le joueur était un gros gagnant…
Le médiateur confirme avoir relevé des « limitations irrégulières » de jeu, ainsi que des clôtures de comptes indues « au motif d’un prétendu état addictif du joueur, alors que l’opérateur n’avait antérieurement envoyé aucun message de prévention » ni analysé le comportement de jeu de la personne pour détecter un éventuel jeu pathologique, comme l’y oblige pourtant la loi.
On peut parfois « s’interroger sur la bonne foi des joueurs »
Mais il y a aussi des petits malins qui traquent les erreurs des opérateurs pour les exploiter en leur faveur. « Par exemple, un bug informatique avait entraîné une inversion des cotes des sportifs dans la version anglaise du site d’un opérateur, les meilleurs se retrouvant avec la cote la plus élevée, illustre Denys Millet. 130 personnes s’en sont rendu compte, et ont parié des sommes importantes, avant que l’opérateur ne s’aperçoive de l’erreur et n’annule le pari. » Ce dernier en avait-il le droit ? Ou était-il tenu d’honorer le pari ? Le médiateur a estimé qu’il devait a minima verser leur gain à ceux qui jouent habituellement sur la version anglaise du site, ce que l’opérateur a fait.
Et pour les autres ? Si un prestataire ne peut se prévaloir d’une erreur pour ne pas honorer son contrat, des dérogations sont possibles, et cet exemple pourrait en faire partie, mais la jurisprudence en la matière est peu fournie. Le médiateur a donc « estimé qu’il y avait lieu de s’interroger sur la bonne foi des joueurs », sans pour autant valider la décision du site.
Lisez attentivement les CGU et les règlements de jeu
Que ce soit affaire de gros sous ou de petites mises, lisez attentivement les conditions générales d’utilisation (CGU) et les règlements des paris des opérateurs : ces textes sont tenus de préciser le périmètre des offres. Et n’hésitez pas à signaler auprès de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) les clauses qui semblent abusives, par exemple le fait que Betclic, dans ses CGU, s’exonère de toute responsabilité « en cas d’erreur technique de formulation ou d’affichage ».
Que faire en cas de litige avec un site ou une appli
En cas de litige, le joueur client d’un site doit respecter plusieurs étapes.
- Il doit tout d’abord s’adresser par écrit à l’opérateur, via le site Internet ou par voie postale, pour contester la décision prise. L’opérateur est tenu de lui en motiver les raisons dans un délai imparti.
- S’il n’obtient pas satisfaction, ou s’il n’a pas de réponse de l’opérateur, alors il peut se tourner vers le médiateur des jeux, via une demande envoyée en ligne (mediateurdesjeuxenligne.fr), par mail (mediation@anj.fr) ou par voie postale (Médiateur des jeux – 99-101 rue Leblanc – 75015 Paris). La décision du médiateur n’étant pas contraignante, l’opérateur ou le joueur peut la refuser.
- Il peut déposer plainte devant la justice, s’il n’est pas satisfait des conclusions de la médiation.
- Les associations locales de l’UFC-Que Choisir interviennent également dans ces litiges.
Winamax, Betclic et la Française des jeux, tiercé gagnant des litiges
Parmi les 1 734 saisines adressées au médiateur des jeux en 2021, la quasi-totalité (92 %) porte sur les paris sportifs, et deux tiers ciblent plus particulièrement 3 opérateurs :
- Winamax qui suscite le plus de mécontentements, avec 39 % des saisines ;
- Betclic avec 14 % ;
- la Française des jeux avec 12 %.
Suivent Unibet, ZEturf, Reel Malta (concernant son activité de jeux de cercle) et le PMU (pour les paris hippiques).
Parmi ces saisines, seulement 55 % ont été estimées recevables. Dans la moitié de ces cas, le médiateur a rendu une décision conforme à celle de l’opérateur.
Une partie des litiges sont simples et auraient pu être résolus dès la première prise de contact avec les services clients des opérateurs. Parmi les motifs d’irrecevabilité, le principal était dû au non-respect des procédures : le joueur plaignant n’avait pas réalisé la première étape, à savoir contacter tout d’abord l’opérateur. Mais moins de 1 % des demandes sont considérées infondées ou abusives.