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Directives anticipées : peut-on exiger le maintien en vie ?

Si l’on a émis le souhait d’être maintenu artificiellement en vie, y compris en cas de coma irréversible, les médecins ont la possibilité de passer outre. Explications.

L’équipe médicale d’un hôpital peut-elle arrêter les traitements destinés à prolonger la vie d’un patient en état de coma irréversible même si cette décision entre en contradiction avec les directives anticipées rédigées par cette personne ? C’est la question qui se pose dans une affaire inédite sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 10 novembre.

Dans le texte destiné à faire connaître ses choix en matière de soins médicaux dans l’hypothèse où il ne serait plus capable de s’exprimer, monsieur M. avait formulé le souhait qu’on continue à le maintenir en vie même artificiellement pour le cas où il aurait perdu définitivement conscience. Quelque temps plus tard, victime d’un grave accident, il se trouve précisément dans cette situation et les médecins du centre hospitalier de Valenciennes (59) décident l’arrêt des traitements. Sa famille saisit la justice administrative pour que soient respectés les termes de ses directives anticipées. Or l’article 1111-11 du Code de la santé publique prévoit que ces dernières s’imposent au médecin sauf lorsqu’elles « apparaissent manifestement inappropriées ou non conformes à la situation médicale ».

Question prioritaire de constitutionnalité

Jugeant que cette exception n’est pas conforme à la Constitution, la famille demande au Conseil constitutionnel de se prononcer dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. À l’audience, son avocat a plaidé que cette disposition entrait en contradiction avec des principes fondamentaux tels que la liberté de conscience, la liberté personnelle et la sauvegarde de la dignité. Pour l’avocat de l’Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et cérébrolésés, cette exception comporte un risque d’arbitraire, en l’absence de définition précise de ce que seraient des directives manifestement inappropriées.

De son côté, l’avocate de l’hôpital a rappelé que, selon la loi, les traitements « ne doivent pas être mis en œuvre ou poursuivis lorsqu’ils résultent d’une obstination déraisonnable » (naguère appelée « acharnement thérapeutique »). Au passage, elle a aussi souligné que, toujours selon le Code de la santé publique, « les droits reconnus aux usagers s’accompagnent des responsabilités de nature à garantir la pérennité du système de santé », évoquant le poids que ferait peser sur ce système, déjà fragilisé, la multiplication de maintiens en vie artificiels pendant des durées potentiellement très longues.

Aux termes de la décision du Conseil constitutionnel, la loi n’est ni imprécise ni ambiguë. Par ailleurs, la décision des médecins ne peut être prise qu’à l’issue d’une procédure collégiale destinée à l’éclairer. Elle est inscrite au dossier médical et portée à la connaissance de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches. Ceux-ci peuvent, le cas échéant, contester cette décision devant le juge pour obtenir sa suspension éventuelle. Le Conseil a donc jugé que ces dispositions ne méconnaissent aucun droit ou liberté garanti par la Constitution.