Retraite des médecins libéraux : pas de revalorisation des pensions complémentaires
Une mesure récemment adoptée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 vise à inciter les médecins retraités à reprendre du service afin, entre autres, de lutter contre la désertification médicale. Mais cette mesure va avoir une conséquence négative pour ceux qui ont définitivement raccroché les gants et souhaitent profiter de leur retraite : leur pension de retraite complémentaire ne sera pas réévaluée face à l’inflation. Explications.
L’accès aux médecins généralistes ou spécialistes est un problème majeur pour un grand nombre de Français. Aussi, faute de décisions fortes et pérennes, et avant que la levée du numerus clausus ne produise ses effets d’ici quelques années, la porte est ouverte aux différentes solutions pour tenter d’endiguer les effets de la fracture sanitaire, comme le montre la carte interactive mise en ligne récemment par l’UFC-Que Choisir.
Une idée simple apparemment…
Parmi elles, il y a une idée toute simple, lancée fin octobre par Emmanuel Macron lors d’une intervention télévisée : exonérer de cotisations retraite les médecins qui, une fois pensionnés, acceptent de retravailler afin de remédier, ne serait-ce que ponctuellement, au manque de praticiens. Autrement dit, et contrairement à ce qui se pratique depuis 2014 dans le cadre du dispositif légal de cumul emploi-retraite pour l’ensemble des retraités qui choisissent de travailler à nouveau, les médecins libéraux seraient totalement et exceptionnellement exonérés du paiement des cotisations retraite sur leurs nouveaux revenus professionnels.
Cotisations obligatoires pour tout « cumulard »
En l’état actuel de la réglementation, il faut savoir que bien que ces cotisations soient obligatoires, elles ne permettent pas de se créer de nouveaux droits retraite (trimestres ou points). À terme, toute personne qui choisit de retravailler, quel que soit son statut (libéral, salarié, micro-entrepreneur…) et le métier exercé, ne bénéficie donc pas d’un quelconque supplément de pension. Retravailler lui procure uniquement des revenus complémentaires (soumis à l’impôt) l’espace de quelques années.
Un amendement glissé dans le PLFSS
A priori donc, l’idée est bonne. Elle est même tellement probante qu’un amendement en ce sens a été inséré dans le PLFSS (adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution). Mais côté cotisations retraite, et plus précisément du côté de la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) qui est la caisse à laquelle les médecins libéraux sont affiliés d’office, les choses ont un peu de mal à passer. Pourquoi ? Parce que ces « cotisations sans droits », comme les appelle Thierry Lardenois, président de la CARMF, qui sont actuellement versées par les 12 597 médecins qui exercent un cumul emploi-retraite, et qui représentent pas moins de 73 millions d’euros, vont évidemment manquer à l’appel l’an prochain. Et par voie de conséquence, qui dit moins de recettes, dit forcément moins de dépenses, sauf si une compensation financière est prévue, « ce qui était le cas dans la première version du PLFSS, mais au fil de l’examen du texte, cette compensation dédiée au régime complémentaire a disparu », ajoute Thierry Lardenois qui a reçu confirmation de cette décision par Olivier Dussopt, ministre du Travail.
Un manque à gagner que vont payer tous les retraités
Dès lors, décision a récemment été prise de ne plus revaloriser de 4,8 % les pensions complémentaires à compter du 1er janvier prochain pour faire face aux effets de l’inflation, tel que cela avait été prévu par le conseil d’administration de la CARMF.
Pour comprendre l’impact de cette décision, il faut savoir que les pensions complémentaires représentent 45 % de la pension de retraite globale d’un médecin libéral (la pension de base représente quant à elle 21 % et celle allouée par le régime supplémentaire ASV aux professionnels de santé conventionnés, 34 %). Pour mémoire, et pour compenser la hausse des prix, toutes les pensions de base (celle des ex-médecins comme celles des ex-salariés, fonctionnaires, indépendants…) ont été revalorisées de 4 % en juillet dernier. Même tendance du côté des pensions complémentaires : +5,12 % par exemple à l’Agirc-Arrco depuis le 1er novembre dernier.
Reste tout de même une lueur d’espoir pour les finances de la caisse de retraite et donc, in fine, pour les 72 729 médecins retraités définitivement retirés de la vie active : on ne sait pas encore quelle sera la durée de l’exonération des cotisations retraite prévue pour le moment en 2023 seulement.