UFC-Que Choisir de l'Eure

Actualités, Environnement

Billet de notre Président national : décret « neutralité carbone »​​​​​​, comment réglementer l’impossible ?

Alors que les consommateurs sont disposés à prendre part à la transition écologique en adoptant une consommation plus responsable, de nombreux fabricants s’engouffrent dans la brèche en vantant les mérites de leurs produits pour la planète… sans pour autant que leurs affirmations correspondent nécessairement à la réalité. C’est pourquoi le Législateur a voulu encadrer l’une de ces allégations – la neutralité carbone – via la loi Climat et Résilience. Mais les bonnes intentions suffisent-elles à faire de bons cadres légaux ? Assurément non.

Depuis le 1er janvier, tout vendeur qui souhaite présenter son produit ou service comme « neutre en carbone » doit mettre à disposition un rapport comprenant : une analyse en cycle de vie du produit, une stratégie de réduction des émissions de CO2 concernant le produit sur dix ans et une description des modalités de « compensation des émissions résiduelles ». Je vois là un double problème.

En premier lieu, le fait qu’on puisse tout simplement autoriser l’affichage d’une mention « neutre en carbone », qui laisse l’impression aux consommateurs que le produit sur lequel elle est apposée n’a pas d’impact environnemental, est une absurdité comme a d’ailleurs pu le rappeler récemment l’ADEME.

En second lieu, le fait que ce message hérétique puisse être considéré comme légal quand cela résulte du recours au mécanisme dit de « compensation carbone » (les entreprises achètent des « crédits carbone » censés soutenir des projets d’atténuation du changement climatique) est vraiment problématique. On laisse la possibilité à des entreprises très polluantes (entreprises pétrolières et gazières, compagnies aériennes…) de s’acheter une bonne conscience, et une bonne image, plutôt que d’investir pour réduire concrètement leur impact environnemental. Ce mécanisme des crédits carbone questionne d’autant qu’il est en outre particulièrement lacunaire.

Prenons par exemple un projet de reforestation : il est difficile de vérifier que les arbres sont réellement plantés, entretenus, qu’ils ne crèvent pas faute d’être arrosés et dans la meilleure des hypothèses qu’ils absorbent autant de CO2 qu’annoncé, et sur une durée assez longue pour avoir un véritable impact climatique.

S’il est louable que les pouvoirs publics veuillent agir pour réglementer les allégations environnementales, il est indispensable qu’ils élaborent des réglementations pertinentes, empêchant strictement les professionnels de pratiquer du greenwashing/éco-blanchiment, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Gageons que l’élaboration du cadre européen sur cette problématique cette année saura corriger les insuffisances de la réglementation française. L’UFC-Que Choisir entend agir avec le Bureau européen des Unions de Consommateurs pour que ce soit le cas.

Alain Bazot

Président de l’UFC – Que Choisir