1 litre d’eau sur 5 volatilisé – L’UFC-Que Choisir se mobilise contre #LaFuiteEnAvant !
Alors que le ministère de la Transition Écologique indique que la majorité du territoire français subira probablement une nouvelle sécheresse cet été, la Fédération et les Associations Locales de l’UFC-Que Choisir, sur la base d’une étude dénonçant l’ampleur des volumes d’eau considérables gaspillés à cause des fuites des canalisations, se mobilisent pour lutter contre cette gabegie économique et environnementale. L’eau devant être plus que jamais économisée dans un contexte de réchauffement climatique, le Mouvement demande aux pouvoirs publics de mettre en œuvre un véritable plan de rénovation des réseaux et de le financer grâce à un rééquilibrage des redevances payées par les acteurs professionnels, au premier rang desquels l’agriculture intensive.
La sécheresse de 2022 a démontré l’impact de l’évolution climatique sur la raréfaction de nos ressources en eau : Besançon, Chambéry, Chartres, Gérardmer ou Nantes ont connu de fortes tensions sur l’approvisionnement en eau et près de 1 000 petites communes ont été ravitaillées en eau potable (1). Pour les prochains mois, alors que les experts anticipent un risque de sécheresse fort à très fort sur une majorité des nappes phréatiques (2), qu’à plus long terme la recharge de celles-ci devrait baisser de 10 % à 25 % (3) et que les débits estivaux des fleuves pourraient être réduits de 30 % à 60 %, l’UFC-Que Choisir, après avoir analysé les données officielles (4), sonne l’alarme sur le niveau considérable des pertes d’eau potable qu’elle a relevé à travers la France et la faiblesse des mesures prises pour y remédier.
Jusqu’à 1 litre sur 3 perdu dans certaines agglomérations
Le Grenelle de l’environnement a défini en 2012 un maximum légal de 15 % de fuites, considéré comme atteignable et économiquement réaliste. Si de nombreuses agglomérations démontrent qu’il est possible de maintenir les fuites à des niveaux très inférieurs (Cholet (0 %), Saint Malo (0,9 %), Saint Brieuc (1,3 %), Fréjus (2,1 %) ou encore Bussy-Saint-Georges (2,8 %)), en revanche, sur l’ensemble de la France, un litre sur 5 distribué (5) (19,9 %) est perdu du fait des fuites de réseaux. Cela représente 1 milliard de m3 par an, équivalent à la consommation cumulée des agglomérations de Paris, Lyon, Marseille, Lille, Toulouse, Bordeaux et Nice, soit au total 18,5 millions d’habitants.
Pire, 12 agglomérations ont des taux de fuites supérieurs d’au moins 10 points à la limite légale. Dans cinq agglomérations les fuites représentent même 1 litre sur 3 : Évreux (35,5 %), Aix-les-Bains (30,5 %), Cavaillon (30,3 %), Amiens (30,3 %) et Sens (30 %).
Pour les communes rurales, afin de tenir compte de leurs spécificités (budgets limités, réseaux ramifiés et étendus…), les fuites autorisées peuvent monter jusqu’à 35 %. Mais malgré cet aménagement, un quart (24 %) des communes de moins de 1 000 habitants dépasse le taux de fuite autorisé, avec 1 litre sur 2 perdu en moyenne.
Plus de la moitié de canalisations fragiles ou vétustes
Les canalisations en matériaux fragiles (fonte grise, PVC collé, amiante-ciment) représentent plus de la moitié (55 %) du réseau français et une grande partie d’entre elles a déjà dépassé l’âge où elles auraient dû être remplacées. En 2019, les Assises de l’Eau avaient fixé l’objectif de renouveler 1 % du réseau national par an, mais en réalité 0,67 % seulement est renouvelé chaque année en moyenne. À ce rythme, il faudrait 150 ans pour remplacer la totalité du réseau, alors que la durée de vie d’une canalisation est comprise entre 50 ans et 80 ans selon le type de matériau utilisé !
Si l’on examine le taux de renouvellement pour les agglomérations ayant plus de 25 % de fuites : seule Carpentras, avec un taux de 1,34 % dépasse très significativement l’objectif national de renouvellement des réseaux et semble avoir pris des mesures à la hauteur de l’enjeu. Toutes les autres agglomérations ayant publié leurs chiffres sont en revanche en-dessous, Arles, Nîmes, Amiens, Sens et Aix-les-Bains ne réalisant que la moitié de cet objectif. Évreux est la lanterne rouge avec 0,2 % de renouvellement de son réseau.
Des communes parfois démunies face à une volonté politique de l’État en fuite
Avec la suppression totale en 2016 de l’aide en matière d’ingénierie apportée par les services de l’État (connaissance de l’état des réseaux, programmation des travaux, maîtrise d’ouvrage…), les communes sont désormais seules responsables de l’entretien des réseaux. Si les grandes et moyennes collectivités peuvent être en capacité de mobiliser les moyens humains et financiers pour assurer la gestion de leur réseau, tel n’est pas le cas des plus petites communes qui ont les plus grandes difficultés à connaître l’état de leur réseau ou à financer sa rénovation.
Quant aux aides financières des agences de l’eau, elles sont particulièrement limitées en raison de l’inéquité des contributions entre les différents acteurs. Alors que les utilisateurs de l’eau sont censés contribuer au financement en proportion de leurs pollutions et des volumes d’eau qu’ils prélèvent dans le milieu naturel, la contribution de l’agriculture intensive à la redevance prélèvement est comprise entre 2 % et 15 %, alors qu’elle représente 48 % des consommations nettes en eau (pas moins de 80 % en été). Si l’on ajoute les montants que l’agriculture devrait payer pour les pollutions dont elle est responsable, cela représente d’après nos estimations un manque de financement considérable pour les agences de l’ordre de 1,6 milliard d’euros par an.
Dans le cadre du plan Eau, le Président de la République a bien évoqué le sujet des fuites d’eau, mais pour proposer des mesures dérisoires. Alors que les experts exigent 2,5 à 3 milliards annuels, le Président a annoncé 180 millions d’euros (6) ciblés sur les plus petites communes… bref, une goutte d’eau !
Fuites d’O/AU/EAU : les associations locales en campagne sur le terrain
Afin de sensibiliser l’opinion publique et les élus locaux, les départements et les agences de l’eau sur cette gabegie et l’urgence à agir, l’UFC-Que Choisir lance l’opération « #La fuite en avant » dans le cadre d’une campagne de terrain avec 70 associations locales. À l’image du livre « la disparition », les bénévoles de l’association locale font provisoirement disparaître les « o, au, eau » de noms de communes sur les panneaux d’entrée de ville pour dénoncer l’ampleur des fuites d’eau dans le département et appeler à un véritable plan de rénovation des réseaux.
Soucieuse de préserver et d’économiser les ressources eau, l’UFC-Que Choisir presse les pouvoirs publics :
- De renforcer les aides des agences de l’eau aux collectivités prioritaires en termes de raréfaction de la ressource et de fuites ;
- D’augmenter le budget des agences de l’eau en faisant progresser les redevances prélèvement payées par les acteurs professionnels ;
- De développer l’appui technique des départements aux petites communes ;
- De fixer des objectifs plus ambitieux en termes de taux de pertes autorisés et de connaissance de l’état des réseaux par les communes.
Télécharger l’étude complète
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Notes
(1) Présentation du « Plan Eau » par le Président de la République – Savines le lac – Publié le 30 mars 2023
(2) Situation hydrogéologique au 1er mai 2023 comparée au 1er mai 2022 – Bureau de Recherches Géologiques et Minières
(3) Rapport Explore 70 du Bureau de Recherches Géologiques et Minières et Rapport d’information fait au nom de la délégation sénatoriale à la prospective sur l’adaptation de la France aux dérèglements climatiques à l’horizon 2050 – Sénat – Mai 2019
(4) Données annuelles des services 2021 – l’Observatoire National des Services Publics d’Eau et d’Assainissement – Juin 2023
(5) Panorama des services et de leur performance en 2020 – Observatoire National des Services Publics d’Eau et d’Assainissement – Sispea – Juillet 2022
(6) Abondés par une augmentation des redevances payées en grande partie par les consommateurs.