Scooters et motos – Les dérapages de JM Motors
Ce revendeur de deux-roues a longtemps commercialisé des modèles, importés de Chine, trafiqués, voire dangereux. Aujourd’hui encore, tout ne serait pas légal.
La décision n’a pas été facile. Mais après être restés silencieux durant presque 10 ans, deux employés de JM Motors ont décidé de parler. Ils dénoncent la mise en vente dans leur réseau, dès 2014, de motos et de scooters illégalement surpuissants et potentiellement dangereux.
Depuis 2011, sous les entités JM Motors et Azur Scoot, cette société distribue, dans ses 10 magasins, des engins dans les cylindrées 50 et 125 cc. En 2022, bénéficiant de l’essor de la livraison à domicile et d’une forte demande de moyens de transport maniables et peu coûteux, elle se plaçait en huitième position sur le marché français, avec 2 347 modèles 50 cc écoulés (source : Motoservices.com). Une tendance haussière qui a visiblement poussé cette enseigne à commercialiser des deux-roues ne respectant pas les normes de dépollution et, surtout, dotés de moteurs non conformes.
Cylindrées gonflées
Notre rencontre avec un vendeur et un mécanicien travaillant tous les deux chez JM Motors nous a permis de lever le voile sur cette affaire. Pourquoi ne témoignent-ils que maintenant ? Parce qu’ils étaient pris dans la spirale infernale d’un système de rémunération peu orthodoxe. De fait, le salaire de base de l’un d’eux, à 1 200 €, était complété par quelque… 3 000 € en liquide. Une pratique répandue auprès de la plupart des salariés de l’entreprise.
Les commandes s’enchaînaient, grâce à un bouche-à-oreille vantant la vitesse des machines mais aussi la facilité d’immatriculation. Les scooters proposés sous le label JM Motors, fabriqués en Chine, ou les motos de marque Yamasaki (elles aussi chinoises), d’une cylindrée de 50 cc, que l’on peut conduire dès l’âge de 14 ans avec le brevet de sécurité routière (BSR), correspondaient en réalité à des… 70 cc. Et un client ayant fait expertiser sa Yamasaki Sportive RS a appris que son moteur était un 86 cc, soit presque le double de ce qui était prétendu. Autre cas, un modèle 125 cc (pour lequel le permis auto suffit) atteignait en fait 140 cc. Or, à ce niveau de motorisation, il faut être titulaire d’un permis moto. Si certains acheteurs se doutaient de quelque chose, d’autres ont découvert le pot aux roses plus tard, à l’occasion d’une révision. Au-delà du fait qu’ils étaient dans l’illégalité avec leurs deux-roues trop puissants, ils se mettaient en danger, les freins n’étant pas adaptés et le cadre résistant mal aux contraintes plus importantes. Le mécanicien qui s’est confié à Que Choisir évoque également une fabrication à bas coût n’observant pas les obligations européennes. Par exemple, un câble d’accélérateur était dépourvu de revêtement téflon et risquait de se bloquer.
Faux papiers
En outre, derrière ce premier volet purement mécanique, se cachent des fraudes administratives. À commencer par la modification du certificat de conformité (COC) de certains véhicules, qui prétendait suivre la norme Euro 4 puis Euro 5 (avec un système d’injection). Le carburateur était, en réalité, caché par le carénage, afin de ne pas être facilement repéré au cours d’un contrôle… Ajoutons que bon nombre de demandes d’immatriculation pour des scooters ont été déposées par des conducteurs dans l’incapacité de présenter le BSR.
Avertie, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) assure s’intéresser à l’affaire. Par ailleurs, le commercial avec lequel nous avons pu nous entretenir a porté plainte et doit être prochainement entendu. Il est grand temps de siffler la fin de la partie ! Car même si, depuis plus d’un an, les ventes de scooters illégaux (soit un peu plus de 4 000 machines) n’ont globalement plus cours, celles des motos continuent.