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Pénuries de médicaments – Des essentiels discutables

Face aux pénuries de médicaments ‒ 3 000 ruptures de stocks depuis 2022, soit 10 fois plus qu’en 2013 ‒ le gouvernement vient de publier une liste de 450 médicaments dits « essentiels », dont il ambitionne de sécuriser l’approvisionnement. Mais les critiques n’ont pas tardé : des produits très importants n’y figurent pas, d’autres sont redondants. Quelques-uns sont non seulement sans utilité, mais dangereux.

Depuis la publication d’une liste de 450 médicaments dits « essentiels » par le gouvernement, qui entend à l’avenir en assurer la disponibilité, les critiques pleuvent. Le coup de grâce est venu lundi de la revue médicale indépendante Prescrire. Dans un communiqué de presse aussi détaillé que cinglant, elle reproche la présence dans le lot de produits inutiles, voire dangereux, et déplore, à l’inverse, l’absence de molécules indispensables. C’est le cas des anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), comme l’ibuprofène, donnés dans la douleur, ou de la plupart des médicaments inhalés utilisés dans l’asthme ou la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) : l’oubli du salbutamol (Ventoline) pour soulager les difficultés respiratoires n’est pas passé inaperçu. Mais les traitements de fond à base de corticoïdes inhalés ne sont pas non plus répertoriés comme essentiels, or ils sont souvent nécessaires au quotidien pour limiter les exacerbations…

Manquent également à l’appel 3 des 4 antibiotiques indiqués dans la tuberculose. La santé des femmes n’est manifestement pas non plus prioritaire : aucune contraception hormonale, aucun stérilet n’est référencé. La doxylamine, qui peut servir à calmer les nausées de grossesse, ne figure pas sur la liste.

Effets indésirables

À l’inverse, cette dernière comporte de nombreuses redites, qui n’ont pas lieu d’être quand l’objectif est de s’en tenir au strict nécessaire. On trouve ainsi des classes entières comme les statines, les inhibiteurs de la pompe à protons, les antidépresseurs ou les neuroleptiques, quand il aurait suffi de sélectionner dans chaque groupe la ou les molécules les mieux éprouvées.

Enfin, l’équipe de Prescrire pointe le plus inquiétant : la présence de médicaments dont la balance bénéfices/risques n’est pas positive. C’est-à-dire que leurs effets indésirables surpassent les bénéfices attendus. Et de citer le bupropion (Zyban), un antidépresseur autorisé dans le sevrage tabagique, qui ne fait pas mieux que la nicotine mais affiche de sérieux effets indésirables. Ou la fluindione (Previscan), bannie de toute initiation de traitement antithrombotique depuis 2018…

Manque de transparence

Dans le milieu médical, nombre de sociétés savantes ont relevé les mêmes incohérences. Au point que la méthode d’élaboration de la liste est remise en question. La Haute Autorité de santé (HAS) qui évalue l’intérêt de chaque médicament, n’a pas été sollicitée. Le processus de décision n’est pas précisé, pas plus que les noms des experts consultés. Ne parlons même pas de leurs éventuels liens d’intérêts avec des industriels du médicament…

Voilà qui augure mal du plan d’action contre les pénuries de médicaments ! Qui n’ont jamais été aussi nombreuses, malgré l’obligation pour les firmes pharmaceutiques d’assurer, depuis 2021, 4 mois de stock pour une série de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Un point positif tout de même : le gouvernement a enclenché un mouvement de relocalisation industrielle pour quelques médicaments. C’est sûrement la meilleure façon de sécuriser l’approvisionnement du territoire.​​​