Médicaments – Des indications variées mais pas toujours justifiées
Les fabricants de médicaments cherchent souvent à élargir les pathologies pouvant être traitées par un même produit. Mais ce n’est pas toujours bénéfique pour les patients.
Étendre les indications d’un médicament est un bon moyen d’amortir le coût lié à son développement. Les fabricants l’ont bien compris puisque cette pratique est de plus en plus courante. C’est particulièrement vrai dans le champ de la cancérologie, où certains produits ont plus de 10 indications différentes. Ces élargissements bénéficient-ils aux patients ? Ce n’est pas garanti, souligne une étude menée sur les médicaments autorisés entre 2011 et 2020, et les extensions survenues jusqu’en 2021 (1).
En Europe, l’agence en charge d’évaluer les médicaments (EMA) a autorisé 88 nouveaux produits sur la période étudiée, et étendu les indications dans 215 cas. Ainsi, la moitié des médicaments ont au moins 1 indication en plus de celle d’origine, et 17 % en ont 4 ou plus. C’est le cas de traitements du cancer appelés immunothérapies, comme le pembrolizumab (Keytruda) avec 15 extensions d’autorisation et le nivolumab (Opdivo) avec plus de 10.
Mais pour élargir ces indications, les agences sanitaires acceptent des données moins solides que pour le dossier original. Par exemple, elles n’exigent pas que le traitement soit comparé aux options déjà disponibles. Les chercheurs ont donc recoupé les informations livrées par l’EMA et celles des évaluations menées en France et en Allemagne, où des agences réévaluent systématiquement le bénéfice du médicament quand des indications sont ajoutées.
Résultat : 47 % des autorisations (AMM) initiales offrent un réel plus aux patients. Ce n’est le cas que pour 36 % des extensions d’AMM. Et plus les indications s’élargissent, moins la probabilité d’avoir un vrai bénéfice est élevée, indiquent les auteurs. Ils demandent donc que les prescripteurs et les patients soient informés de ces différences en fonction des indications, afin de décider au mieux du traitement approprié. En effet, le médicament le plus récent n’est pas forcément le plus intéressant.
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(1) Therapeutic value of first versus supplemental indications of drugs in US and Europe (2011-20) : retrospective cohort study, BMJ, 2023.