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Responsabilité des conseillers en gestion de patrimoine – 5 ans pour agir en cas de mauvais placement

Vous avez été mal conseillé par un conseil en gestion de patrimoine ? La Cour de cassation vient de préciser les conditions dans lesquelles les clients de ce professionnel peuvent mettre en œuvre sa responsabilité pour obtenir réparation.

Cinq ans. C’est le délai que vous avez, à partir du jour où vous avez connaissance ou auriez dû avoir connaissance de faits susceptibles d’entraîner la responsabilité d’un commerçant, pour agir en justice contre lui. Mais quand il s’agit d’un conseil en gestion de patrimoine (CGP) qui vous a prodigué de mauvais conseils de placement en matière de contrat d’assurance vie en unités de compte, quelle date faut-il retenir ? Celle de la souscription du contrat où le CGP est tenu de vous informer des risques et où vous êtes censés les avoir acceptés ? Ou la date de rachat du contrat, jour où les pertes se réalisent vraiment ? Dans deux décisions rendues le même jour et publiées au Bulletin (ce qui atteste de leur importance), la Cour de cassation vient de préciser qu’il fallait retenir cette dernière solution (Cass. com du 21 juin 2023, n° 21-19.853 et n° 21-16.716).

Une position favorable aux épargnants

Dans les deux affaires, qui concernaient le même CGP, des clients avaient souscrit des contrats d’assurance vie en investissant d’abord dans certaines unités de compte, puis en arbitrant au profit d’autres supports 4 ans plus tard, toujours sur les conseils de leur CGP. Ayant subi de fortes moins-values, les épargnants ont assigné ce dernier en responsabilité, pour avoir manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde et à son devoir d’assurer l’adéquation des supports conseillés avec le profil de risque déclaré des investisseurs.

Mais dans les deux cas, les clients sont confrontés à un rejet de la cour d’appel de Grenoble : leurs demandes sont prescrites. Selon les magistrats, les plaignants étaient en effet informés dès la conclusion des contrats que les supports conseillés comportaient des risques de perte en capital. Le délai de prescription de leur action en responsabilité contre cette société de conseil a donc commencé à courir à la date de conclusion de ces contrats.

Perte de chance

La Cour de cassation, saisie par les épargnants bien inspirés, casse et annule les deux arrêts d’appel. Elle rappelle en effet que le défaut d’information sur le risque de pertes liées à ces investissements ou le manque de conseil au regard d’un tel risque, prive le souscripteur d’une chance d’éviter la réalisation de ces pertes. Or, ces pertes ne se réalisent qu’au rachat du contrat d’assurance vie (quand bien même le support en question aurait fait antérieurement l’objet d’un désinvestissement, comme c’était le cas dans les deux dossiers). Il en résulte, soutient la Cour de cassation, que le délai de prescription de 5 ans commence à courir, non à la date où l’investissement a lieu, mais à la date du rachat du contrat d’assurance vie. Les deux affaires sont renvoyées à la cour d’appel de Chambéry pour être rejugées, en suivant le fil rouge dessiné par les hauts magistrats.