Fusion entre l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) et l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) – L’UFC-Que Choisir s’oppose à ce projet
Alors même que le Parlement avait écarté le principe de fusion de ces deux institutions dans le cadre du vote du projet de loi d’accélération du nucléaire en avril dernier, le Gouvernement prévoit d’en discuter de nouveau dans le cadre d’un projet de loi spécifique cet automne. L’UFC-Que Choisir exprime d’ores et déjà son opposition à cette initiative.
Un système dual qui a fait ses preuves
L’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) est une autorité administrative indépendante qui réglemente et contrôle la sûreté nucléaire et la radioprotection de l’ensemble des activités nucléaires civiles. Elle se prononce en particulier sur le renouvellement des autorisations d’exploitation des réacteurs nucléaires. Elle s’appuie régulièrement sur les analyses et avis de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un établissement public à caractère industriel et commercial rassemblant plus de 1 700 experts et chercheurs spécialisés en sûreté nucléaire et radioprotection. En somme, l’ASN est le gendarme quand l’IRSN est l’expert technique.
Le fonctionnement en binôme de l’ASN et l’IRSN est actuellement reconnu comme un système opérationnel et efficace, marqué par de récentes décisions de sûreté concernant les sites du Tricastin, de Fessenheim et de Cruas ainsi qu’un programme de mise à niveau global après Fukushima. Plus généralement, cette stricte séparation entre expertise et prise de décision constitue de longue date une norme, d’ailleurs revendiquée à plusieurs reprises par les deux institutions. L’État lui-même a promu ce fonctionnement dans les années 2000, considéré comme garant de la capacité d’expression de l’expertise technique de l’IRSN.
Une prise de risque inopportune
Le Gouvernement justifie sa proposition de fusion entre ASN et IRSN en arguant la nécessité de fluidifier les prises de décisions de l’ASN face à un plus grand volume d’activité. En effet, prolongation de la durée de vie des réacteurs et adaptation au changement climatique amèneront à un accroissement des travaux auxquels l’ASN et l’IRSN devront faire face, dans un contexte de vieillissement du parc. Les futurs réexamens périodiques et démantèlements pèseront notamment sur les deux instances à court terme. L’intégration de l’IRSN à l’ASN reviendrait pourtant à faire peser le poids des décisions sur l’Institut en charge de l’expertise, constituant une pression sur les résultats produits.
De plus, ces nouveaux travaux seraient nécessairement freinés dans le contexte d’une réorganisation qui mettrait à mal les deux structures et amènerait à une régression à court terme. C’est plutôt le renforcement des effectifs qui doit permettre de faire face à ces évolutions. En effet, comme le mentionne le rapport de l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) du 11 juillet 2023 dédié à ce projet, les effectifs français sont particulièrement bas : 550 personnes pour 56 réacteurs nucléaires, quand l’autorité de sûreté canadienne compte par exemple 670 personnes pour 19 réacteurs.
Une stabilité institutionnelle et un rehaussement des effectifs sont donc nécessaires. Les représentants de l’IRSN auditionnés par l’OPECST restent d’ailleurs opposés à cette fusion, après une grève cet hiver.
Afin de ne pas mettre à mal un régime institutionnel équilibré dans la perspective des divers défis auxquels sera confrontée la filière nucléaire, l’UFC-Que Choisir demande donc aux autorités publiques d’abandonner ce projet qui constituerait une prise de risque inutile.