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Concerts et matchs : les vérifications d’identité sont-elles légales ?

Des organisateurs d’événements ont décidé de rendre les billets nominatifs et demandent la présentation d’une pièce d’identité aux spectateurs pour pouvoir y accéder. En l’absence de bourses de revente officielles, cette mesure de lutte contre le marché noir entraîne des contraintes pour les spectateurs.

La vente illicite de billets est un fléau pour le secteur du spectacle vivant, les instances sportives depuis de nombreuses années et bien entendu les consommateurs (Que Choisir en parlait déjà en 2011 !). Les professionnels mènent donc des actions judiciaires contre les sites qui ne respectent pas la législation et tentent de trouver des solutions pour réduire le risque d’arnaques.

L’une des stratégies de lutte utilisées est la mise en place de billets nominatifs, avec vérification à l’entrée de l’événement du nom du porteur du billet. Ce fut le cas lors des matchs de l’Euro 2016 en France, du concert d’Ed Sheeran à Lyon et Bordeaux en mai 2019, et ce sera également d’actualité début juillet, lors des deux dates du groupe allemand Rammstein au Groupama Stadium de Lyon.

Mais à moins de deux semaines de l’événement, certains fans s’inquiètent. Soit parce qu’ils ne peuvent plus se rendre à l’événement (d’abord programmé en 2020 puis reporté deux fois) et craignent de ne pouvoir revendre leurs places ; soit parce qu’ils ont acheté – sur Internet ou à un proche – une place qui ne porte pas leur nom. Et s’interrogent : un organisateur peut-il vraiment prévoir un contrôle d’identité et refouler des spectateurs pour ce motif ?

Pour Étienne Papin, avocat associé au barreau de Paris, la réponse est oui. En effet, « il ne s’agit pas d’un contrôle d’identité au sens du Code de procédure pénale, avec un caractère coercitif, qui ne concerne que les forces de l’ordre habilitées et sous certaines circonstances uniquement, explique l’avocat, qui accompagne le Prodiss, le syndicat national du spectacle musical et de variété, dans sa lutte contre la revente de billets. Il s’agit ici simplement d’une procédure de vérification d’identité mise en place dans le cadre d’une relation contractuelle : si vous refusez, la seule conséquence est que vous ne bénéficierez pas de la prestation. » Et de citer différents cas où un consommateur peut être amené à présenter une pièce d’identité : paiement par chèque, retrait d’un colis, etc.

En résumé, « un vigile ne peut pas forcer les spectateurs à donner leur identité… Mais dans ce cas ils n’entrent pas », confirme Valentin Guislain, avocat au barreau de Béthune. « Là où cela peut devenir délicat, c’est si aucun document contractuel (conditions générales de vente, etc.) ne prévoit cette vérification et que le refus d’accès est donné pour ce motif », poursuit l’avocat. L’organisateur se rendrait alors coupable d’un défaut d’exécution du contrat. L’information selon laquelle les billets sont nominatifs figure néanmoins bien en évidence sur les principaux sites de vente de billets.

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Copie d’écran du site Eventim.fr pour le concert de Rammstein à Lyon les 8 et 9 juillet 2022.

« Les contraintes amenées par cette vérification d’identité restent minimes par rapport aux gains : le premier problème des consommateurs est tout de même de ne pas se faire arnaquer », argumente Me Papin. Reste que pour les détenteurs de bonne foi qui ne peuvent pas se rendre à l’événement, cette mesure de sécurité rend la revente plus difficile en l’absence de bourse d’échange officielle permettant de changer le nom sur le billet.

« Tous les producteurs de spectacles n’ont pas les capacités de mettre en place une bourse d’échange, défend Pauline Auberger, directrice des affaires juridiques du Prodiss. Nous réfléchissons énormément sur la manière de lutter contre le marché noir et de sécuriser les pratiques de nos membres, mais encore faut-il trouver le bon interlocuteur technique pour le faire. » Des producteurs ont découvert récemment que des sociétés avec lesquelles ils avaient mis en place des bourses d’échange en profitaient pour commercialiser illégalement des billets…

En pratique • 6 conseils au moment d’acheter un billet

1. Dirigez-vous vers les sites de confiance (Fnac, Digitick, Ticketmaster, sites des grandes surfaces, des salles de concert…). Ils sont signalés sur les sites Internet des artistes et événements.

2. Ne vous fiez pas aux moteurs de recherche. Ils peuvent afficher des sites frauduleux ayant payé pour être mis en avant.

3. L’événement est complet ? Avant d’aller sur un site pas net, vérifiez s’il n’existe pas une bourse d’échange officielle.

4. Soyez raisonnables. Lorsque des frais exorbitants apparaissent au moment du paiement, ou si la place est bien trop chère, quittez immédiatement le site : il n’est pas sérieux.

5. Réagissez ! Si vous pensez avoir été escroqué, contactez la direction départementale de la protection des populations (DDPP), la police ou encore la gendarmerie.

6. Vous avez votre billet ? Ne le mettez pas en photo sur les réseaux sociaux ! Des individus malintentionnés pourraient en faire une copie grâce à son code-barres.

Pour Ed Sheeran au Stade de France, une application mobile obligatoire

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Les producteurs du chanteur britannique Ed Sheeran ont, eux, décidé de faire appel à la technologie pour lutter contre le marché noir. Les fans ayant acheté un billet pour les concerts prévus les 29 et 30 juillet au Stade de France n’ont reçu, au moment de leur commande, qu’une simple confirmation : aucun billet n’a été envoyé. Pour accéder au stade, les spectateurs devront télécharger une application mobile sur laquelle un QR code sera généré peu avant l’événement. C’est ce QR code (authentifié par la blockchain et impossible à dupliquer car l’application interdit les captures d’écran) qu’ils devront présenter aux stadiers. Seule contrainte : disposer d’un smartphone compatible avec l’application… et ayant toujours de la batterie au moment de l’ouverture des portes ! Les détenteurs d’un billet peuvent revendre leur place à tout moment depuis leur compte client, à un prix ne pouvant pas dépasser celui d’origine. C’est l’assurance, pour les fans qui utilisent la bourse officielle de revente, d’acheter une place officielle au tarif normal.