Pneus : pas de problème de stock, mais des prix en hausse
La rumeur voulait que les manufacturiers aient du mal à fournir autant de pneus hiver que nécessaire… La réalité est tout autre : l’offre est suffisante par rapport à la demande, mais le prix des pneus a fortement augmenté.
Covid-19, désorganisation du fret maritime et enfin guerre en Ukraine ont mis à mal les manufacturiers de pneumatiques. Il faut dire que la plupart d’entre eux possèdent ou possédaient des intérêts en Russie : Bridgestone, Pirelli, Yokohama, Continental, Nokian et bien entendu Michelin. Autant de sociétés qui avaient confié à leurs usines russes la production de millions d’enveloppes, aussi bien pour alimenter le marché local que pour l’exportation. L’inquiétude sur la fourniture de pneus hiver en Europe est montée d’un cran en juillet dernier lorsque Nokian, qui détient environ 10 % de ce marché au niveau mondial, a annoncé la fermeture complète de son site russe. À ce jour, la marque ne compte donc plus que sur ses implantations américaines et finlandaises pour continuer d’alimenter les marchés, en attendant de trouver une solution pérenne de remplacement de sa manufacture russe : « Nous sommes toujours en mesure de fournir des pneumatiques, assure cependant Michel Poirier, le directeur commercial de Nokian en France. Il y a aura quelques soucis, c’est certain, car cela fait plusieurs années que la situation est tendue sur le pneu hiver, surtout lorsqu’il se met à faire très froid. Mais le niveau de production de l’usine en Finlande permet de dépanner nos clients. » Même son de cloche du côté des grossistes, des distributeurs et même des manufacturiers… « Nous avons vérifié, notamment à la demande du gouvernement. Les pneus hiver sont fabriqués et livrés depuis un bon moment, les points de vente sont achalandés, il n’y a aucune crainte là-dessus », annonce Dominique Stempfel, le président du Syndicat des professionnels du pneu (SPP). Selon ses dires, seuls les pneus de dimensions rares pourraient connaître des ruptures d’approvisionnement temporaires.
Près de la moitié des départements doit s’équiper
Avec la « loi montagne » qui entre en application au 1er novembre prochain (48 départements vont obliger les citoyens soit à rouler en pneus adaptés à l’hiver, soit à détenir à bord de leur véhicule des chaînes ou chaussettes de roues), les Français vont donc pouvoir s’équiper en toute quiétude. À un détail près : les prix des pneus ont littéralement explosé ces derniers mois… D’après l’Insee, les pneus s’étaient renchéris de 17,8 % en juillet dernier par rapport à 2015. Mais alors que la hausse était encore relativement contenue en janvier 2022 (+ 9,2 %), on constate très clairement l’influence du conflit en Ukraine sur les données de l’Insee. Le prix des pneus a progressé de 7 points entre mars et avril, soit dès le début des hostilités…
Le comparateur en ligne Quelpneu.com confirme cette tendance : pour un pneu premium « moyen » (Michelin, Goodyear, Pirelli, Continental, Dunlop et Hankook) de dimensions 205/55 R16, le tarif était de 63,03 € l’unité en 2019, et il se vend désormais 73,99 €, soit une hausse de l’ordre de 17 % ! Même exercice avec une monte de taille supérieure : pour un pneu 225/40 R18 (qui équipe bien des SUV aujourd’hui), le prix était de 122,73 € l’unité en 2019, il est désormais de 138 € : + 12,4 % en 3 ans… Quant aux détenteurs de petites autos, ils ne sont pas à l’abri de la hausse, bien au contraire. Toujours selon Quelpneu.com, un pneu de dimensions 175/65 R14 coûtait 34,70 € en moyenne en 2019, pour un produit d’entrée de gamme. En septembre 2022, il est proposé à 43,80 € en moyenne, ce qui revient à une hausse de 26,2 % !
Premium trop cher
Outre les clients, les premiers médusés par cette hausse du prix des pneus sont les professionnels du secteur. Un grossiste témoigne : « Il n’y a pas un mois sans qu’un manufacturier annonce une hausse, c’est du jamais vu. » Aline Logié, marketing manager chez le pneumaticien Euromaster, se fait plus précise : « Avant, les hausses, c’était une fois par an. Maintenant… Il faut savoir que les augmentations des manufacturiers, nous ne les répercutons pas intégralement, nous en absorbons une partie. » Mais bien qu’Euromaster et ses homologues fassent des efforts pour demeurer compétitifs, la réaction des automobilistes ne s’est pas fait attendre : « Nos clients ont un peu tendance à délaisser les pneus premium pour se diriger vers des produits de gammes inférieures, ce qui tire les prix vers le bas. En volumes, nous observons une baisse de 5 % sur les pneus premium mais + 15 à + 20 % sur les produits d’entrée de gamme », note la responsable du marketing de la filiale de Michelin.
Il en est donc des pneus comme des courses du quotidien (produits alimentaires, hygiéniques…) : les consommateurs se voient dans l’obligation de descendre en gamme et de rogner sur la qualité.