Santé : comment la pollution de l’air favorise le cancer du poumon
On sait que la pollution atmosphérique est mauvaise pour les poumons. Mais on commence seulement à en comprendre les mécanismes. Dans le cas du cancer pulmonaire, les particules fines semblent être à l’origine d’un engrenage délétère.
Le tabac est le facteur de risque n° 1, et de très loin, du cancer du poumon. Mais dans 10 % à 20 % des cas, il touche des personnes n’ayant jamais fumé. La responsabilité de la pollution atmosphérique dans la survenue de ces cancers est désormais assez bien établie. Mais on comprend mal par quels mécanismes précis. De récents résultats de recherche, présentés au dernier congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (1) à ce sujet, apportent des éclairages intéressants.
Les particules fines en cause
Pour commencer, les chercheurs se sont intéressés à l’un des polluants les plus toxiques présents dans l’air : les particules fines. Ces particules sont produites lors de la combustion et sont rejetées dans l’atmosphère par les moteurs de véhicules et les chaudières de chauffage. Elles sont appelées PM2,5 car elles sont d’un diamètre inférieur à 2,5 microns (la taille d’une bactérie pour donner un ordre de grandeur). De ce fait, elles peuvent se faufiler profondément dans le corps.
Les chercheurs ont donc exposé des souris prédisposées au cancer à différentes concentrations de ces particules fines. Le résultat est sans appel : plus l’exposition aux particules est importante, plus les cancers sont importants en nombre mais aussi en taille et en grade – signes de leur gravité. Ces modèles animaux confirment donc le caractère cancérogène de ces particules fines.
Cellules précancéreuses
Mais ils ont aussi permis de mieux comprendre le mécanisme précis de déclenchement du cancer. C’est un peu compliqué mais c’est intéressant. D’habitude, et pour le dire simplement, les agents cancérogènes font des dégâts en cassant l’ADN de nos cellules, cela les fait muter (effet mutagène) et elles deviennent cancéreuses. C’est par ce biais que le benzène et le formaldéhyde de la fumée de cigarette, par exemple, sont cancérogènes.
Dans le cas des particules fines, un tel procédé n’est pas à l’œuvre. Le mécanisme est plutôt à chercher du côté de l’inflammation provoquée par les particules fines dans les tissus pulmonaires. Les chercheurs se sont aperçus que cette inflammation induit la sécrétion d’une molécule, appelée interleukine-1β [bêta], qui vient activer des mutations naturelles, qui sont normales mais qui prédisposent au cancer. C’est comme si les cellules avaient un programme pour devenir précancéreuses mais qui était en veille. Par le biais de l’inflammation, les particules fines viennent activer ce programme. Ce mécanisme rappelle à quel point « santé humaine et santé du climat sont intimement liés », comme le commente en vidéo le Dr Charles Swanton, qui a coordonné ces recherches.
(1) Mechanism of Action and an Actionable Inflammatory Axis for Air Pollution Induced Non-Small Cell Lung Cancer, ESMO Congress 2022.