Billet de notre Président national : grève des généralistes libéraux, ni la fin ni les moyens ne se justifient !
Un collectif de généralistes soutenu par plusieurs syndicats de praticiens libéraux a entamé une deuxième grève pour réclamer le doublement du tarif de la consultation à 50 €, avec une manifestation qui a eu lieu le 5 janvier. Non seulement la revendication est-elle excessive, mais encore doit-on condamner la méthode employée pour la porter.
Le moment pour faire grève est particulièrement choquant au regard de l’exigence fondamentale de permanence des soins, car une triple épidémie secoue le territoire cet hiver : grippe, Covid-19 et bronchiolite, dont les formes graves affectent les personnes les plus vulnérables. Les estimations sur l’ampleur de la grève divergent selon les sources, mais une chose est sûre : son effet est significatif. Faute de pouvoir consulter un généraliste, des patients se sont donc reportés sur des urgences hospitalières qui étaient déjà embouteillées et à bout de souffle. D’après Samu-Urgences de France, entre le 1er décembre et le 5 janvier, 32 morts dites « inattendues » de personnes en attente de prise en charge à l’hôpital ont été enregistrées. Il est intolérable que des généralistes libéraux refusent de travailler alors que les hôpitaux sont saturés, et que des patients meurent sur des brancards…
Au-delà des moyens mis en œuvre pour l’obtenir, la demande de revalorisation de 100 % de la consultation n’est pas entendable.
L’UFC-Que Choisir a toujours été favorable au principe d’une revalorisation des tarifs de base de remboursement de la Sécurité sociale, quand cela est dûment justifié. On peut aujourd’hui tout à fait considérer qu’il peut être logique d’augmenter celui qui s’applique pour les consultations chez un généraliste, à savoir 25 euros. Ce tarif de base appliqué par les généralistes – qui sont très peu à pratiquer des dépassements d’honoraires – n’a pas été revalorisé depuis 2017. Je note toutefois qu’entre la dernière hausse du tarif de base et aujourd’hui, l’inflation a été de l’ordre de 12 %. La revendication d’une hausse du tarif de base de 100 % paraît donc démesurée… D’autant qu’il faut prendre en compte les impacts économiques : augmentation des coûts pour la Sécurité sociale (qui prend à sa charge 70 % du prix de la consultation), probable augmentation des tarifs des complémentaires santé pour financer les restes à charge…
Mais des éléments autres que ceux en lien avec l’inflation justifieraient, d’après les grévistes, une revalorisation de leurs ressources pour créer un « choc d’attractivité ». L’objectif serait de dégager du temps médical utile en ayant les moyens d’embaucher des assistants médicaux, ou encore renforcer les secrétariats médicaux. Or cela peut fort bien passer par d’autres voies qu’une excessive revalorisation du tarif de la consultation, comme le partage de compétences avec d’autres professionnels de santé dans des maisons de santé, ou encore une simplification des tâches administratives.
Il s’agit d’un sujet large, qui devrait qui plus est inclure une véritable réflexion sur la mise en place de modes de rémunération alternatifs à la tarification à l’acte/à la consultation, tels qu’un renforcement de la part du forfait médecin traitant, afin d’encourager la dimension préventive de leur activité, et des expérimentations en termes de rémunération par capitation (par nombre de patients suivis et non plus par nombre d’actes), qui existent dans d’autres pays, et incitent les médecins à répartir leur temps en faveur des patients qui en ont le plus besoin.
J’exhorte donc à un débat plus profond, et surtout qu’il ne se limite pas au cercle gouvernement/assurance maladie/professionnels de santé. Les patients et les associations agréées représentant les usagers en santé, dont l’UFC-Que Choisir, ont toute légitimité pour avoir aussi voix au chapitre.
Alain Bazot
Président de l’UFC – Que Choisir