Radiateurs électriques : une exception industrielle française
Les fabricants de radiateurs électriques français n’ont pas cédé aux sirènes de la délocalisation et sont nombreux à produire leurs modèles dans des usines françaises. Un choix qui leur permet de réduire les difficultés logistiques que connaissent d’autres secteurs.
Un test non alimentaire dans lequel une grande majorité des produits sont fabriqués localement ? C’est suffisamment rare pour être souligné. Sur les 18 références qui ont dernièrement rejoint notre comparatif de radiateurs électriques, 15 sont fabriquées sur notre sol. Preuve que les fabricants de radiateurs électriques n’ont pas délocalisé, à rebours d’une grande partie de l’industrie française. « Nous avons reçu des propositions en ce sens, mais nous avons une responsabilité sociale envers les collaborateurs de nos six usines et cinq centres de recherche et développement, implantés dans des bassins industriels », explique Éric Baudry, directeur des affaires publiques du groupe Intuis (Noirot, Muller Intuitiv, etc.). « Au contraire, nous avons même renforcé notre francité via d’importants investissements, car cela fait partie de l’ADN de l’entreprise », poursuit-il.
Derrière ce discours un brin corporate, on peut aussi voir dans cette volonté de rester travailler en France une conséquence de la politique énergétique du pays. L’électrique est un mode de chauffage beaucoup plus répandu dans l’Hexagone qu’à l’étranger depuis le choix français de miser sur une électricité bon marché et décarbonée grâce au nucléaire et à l’hydraulique. « Cela a contribué à l’équipement des foyers à partir des années 1970 et a incité les ingénieurs français à innover dans ce domaine », résume Emmanuel Boucher, chef de marque Thermor au sein du groupe Atlantic. Ce dernier possède 13 usines en France et vient d’annoncer la construction d’un centre technique à Billy-Berclau (Pas-de-Calais), un investissement de 25 millions d’euros.
Le savoir-faire français apprécié en France… et à l’étranger
Cette francité ne manque pas d’atouts. Au niveau des consommateurs, d’abord. « La fabrication française est vue comme le troisième critère le plus important après la qualité et le prix », rappelle Emmanuel Boucher, citant un sondage Ifop d’août 2018. Plusieurs fabricants (les différentes marques du groupe Intuis, mais aussi Thermor et la société Marinière Énergie), se sont d’ailleurs engagés dans la démarche Origine France garantie (OFG). Ce label certifie que les produits ont acquis leurs caractéristiques essentielles et 50 % au moins de leur prix de revient unitaire en France. « Il y a une dizaine d’années, à la création de la certification OFG, la France avait encore l’industrie honteuse, contrairement à l’industrie allemande : on le voit dans le gros électroménager, où quasiment plus aucune marque ne fabrique en France, note Éric Baudry. Or, cette certification a une valeur à l’international car la fabrication française est vue comme un gage de savoir-faire et d’innovations. »
Moins de difficultés logistiques
Le made in France a aussi un intérêt au niveau industriel. « Nous avons fait le choix de produire à proximité de nos marchés : nous fabriquons nos appareils de chauffage électrique et nos chauffe-eau en France, mais nous avons aussi des usines dans d’autres pays en fonction de leurs besoins, précise Emmanuel Boucher, le représentant de Thermor. Cela nous permet de réduire les difficultés logistiques et d’approvisionnement. » Un sujet plus que jamais d’actualité depuis le début de la crise sanitaire. Le groupe Atlantic vient d’ailleurs d’investir plusieurs millions d’euros dans son site de la Roche-sur-Yon pour produire davantage de cartes électroniques, composant dont la demande a explosé.
« Produire localement nous permet aussi de garder la main sur la qualité et d’être réactifs en termes de développement, tout en limitant les transferts de brevet à l’étranger », ajoute Éric Baudry, d’Intuis. Cette volonté a incité le groupe à rapatrier, il y a 18 mois, la production de cuves en acier émaillé pour ses chauffe-eau, qui jusque-là venaient de Serbie. Le groupe Intuis a, de plus, lancé depuis une quinzaine d’années des programmes d’optimisation industrielle. « Nous possédons des unités spécialisées sur des sous-parties (par exemple, les résistances sur un site, les films de panneaux rayonnants sur un autre) et avons spécialisé nos sites industriels par typologie de produit et typologie de marché : deux sites ont des lignes de production dédiées aux appareils de salle de bain, un est spécialisé dans les panneaux rayonnants, etc. » Les centres de recherche et développement du groupe ont aussi chacun leur spécificité : confort, montée en température, recherche fondamentale sur les matériaux, etc.
Cette rationalisation a un impact sur les coûts, souligne Éric Baudry. Il note, compte tenu de l’envolée du coût des matières premières et du transport, que le « différentiel de prix n’est pas si élevé que ça avec l’Asie – de l’ordre de 10 à 15 % sur les pompes à chaleur ‒, sachant que nos tarifs intègrent en plus un service après-vente de proximité ».