Deux-roues – Vers un contrôle technique à 50 €
Selon toute vraisemblance, la future inspection technique des véhicules à deux et trois-roues devrait se révéler moins onéreuse que celle des voitures. Le contenu précis du contrôle fait toujours l’œuvre de réflexions à l’heure actuelle, suite à l’injonction du Conseil d’État.
Le contrôle technique moto existera bel et bien ! À la suite d’un véritable feuilleton, qui a vu le gouvernement se ranger aux arguments des associations de défense des motards mais a trouvé sur sa route le Conseil d’État, la messe semble désormais dite. Le ministre des Transports Clément Beaune a en effet assuré que le gouvernement appliquerait bel et bien le jugement du Conseil d’État, qui lui a « enjoint » de « prendre l’arrêté d’application du décret du 9 août 2021 relatif à la mise en place du contrôle technique ».
Ainsi, le gouvernement dispose d’un délai de deux mois, à compter du 1er juin 2023, pour présenter les modalités d’application du contrôle technique des deux-roues. Il n’a pas obligation d’organiser le contrôle dans la précipitation en deux mois à peine. De toute façon, certains réseaux de contrôle avaient fait savoir dès le 1er juin qu’il leur était parfaitement impossible de réagir en si peu de temps. Chez Auto Sécurité par exemple, un mail a vite rassuré les dirigeants des centres d’Île-de-France pour les informer que les vérifications de motos ne se feraient pas avant 2024.
Qui pour manipuler des motos de plus de 300 kg ?
Selon l’une des parties prenantes de ce dossier, la vérification technique des deux-roues ne pourrait même pas se faire raisonnablement avant mi-2024. L’arrêté réclamé par le Conseil d’État doit en effet être mis en consultation publique deux mois durant, il s’agit d’un délai légal : « Deux textes d’application ont été élaborés et seront soumis à consultation publique dans les jours qui viennent », précise le ministère des Transports à Que Choisir. Une fois l’arrêté lu, critiqué et amendé par les professionnels du contrôle, il s’agira alors d’écrire les procédures de visite, d’acheter le matériel adéquat, etc. : « Les centres doivent se préparer, il s’agit d’une nouvelle activité pour eux », indique une source.
D’autant plus qu’un épineux problème est en train d’émerger : qui manipulera les motos de plus de 125 cm3 ? Tous les contrôleurs techniques de France sont loin de détenir le permis moto. Or, pour déplacer en toute sécurité des « gros cubes » (certaines motos dépassent les 300 kg), il convient nécessairement d’avoir le permis. Le gouvernement étudierait donc la possibilité de laisser le client placer le deux-roues lui-même dans le centre de contrôle technique, à l’instar de ce qui se fait déjà dans le domaine des poids lourds. Reste à savoir comment seront gérées la sécurité et l’assurance en cas, par exemple, de chute dans le centre de contrôle pour les particuliers qui entrent dans un établissement privé.
Bruit et pollution dans le viseur
Le contenu de l’inspection a beau ne pas être encore connu, il est toutefois possible de déterminer quels seront les points qui seront contrôlés à coup sûr. Dans son jugement du 1er juin 2023, le Conseil d’État insiste bien sur le fait qu’envoyer les deux-roues dans les centres sert aussi à « limiter la circulation des véhicules dont les systèmes de régulation des émissions fonctionnent mal ». Il paraît donc évident que bruit et pollution seront nécessairement vérifiés, tandis que la chasse aux pots d’échappement non conformes est une quasi-certitude. Outre cela, des contrôles visuels portant sur des éléments de sécurité (éclairage, système de freinage…) seront sans doute imposés. Se pose la question du bien-fondé de ce contrôle technique « a minima » et de sa pertinence en termes de sécurité pour les usagers. Car aucune mesure de l’efficacité du freinage ou de celle des amortisseurs n’est envisagée, ce que le contrôle visuel ne permet pas de faire sérieusement. Et quoi de plus facile pour un motard malintentionné que de démonter et remonter un pot d’échappement trafiqué, voire non homologué, avant et après le contrôle ?
Concernant la fréquence des visites, l’affaire demeure plus floue. Contrairement aux voitures qui fonctionnent sur le système d’une vérification tous les 2 ans une fois le véhicule âgé de 4 ans, le schéma pourrait être d’imposer une visite tous les 3 ans une fois que l’engin aura atteint 5 ans. La question de rendre obligatoire la présentation d’un contrôle daté de moins de 6 mois dans le cadre d’une transaction est aussi posée. Si bien des points demeurent donc encore très hypothétiques, il en est un autre qui semble en revanche bien figé : « L’objectif, c’est que le contrôle ne dépasse pas 50 €, le gouvernement est obnubilé par cela », fait encore savoir la même source.
1 million de motos à contrôler
La mise en place d’un contrôle technique à destination des deux-roues se révèlera aussi complexe sur le plan humain : « Je voulais faire la formation pendant les vacances d’été, mais quand j’ai demandé à ma direction, ils m’ont répondu que ce n’était pas la peine », témoigne un contrôleur, bien ennuyé. Il faut en effet savoir qu’aujourd’hui, les centres de contrôle technique ont des problèmes chroniques de sous-effectif. Demain, lorsque environ un million de motos sera à contrôler, le problème deviendra encore plus aigu, d’autant que des centres spécialisés uniquement dans les deux-roues pourraient bien voir le jour et susciter des vocations parmi des contrôleurs déjà en activité.