Retraite progressive – Un dispositif désormais plus large et plus souple
Travailler moins en fin de carrière tout en limitant la perte de revenus va enfin devenir possible pour tous les seniors encore en activité professionnelle. Les décrets précisant les nouvelles modalités de la retraite progressive, dispositif qui devient nettement plus intéressant qu’auparavant, viennent de paraître.
La retraite progressive a toujours été un dispositif séduisant. Pour cause : il permet de lever le pied en fin de carrière tout en percevant une pension dite « de retraite progressive » (versée par les régimes obligatoires) destinée à compenser partiellement la perte de revenus occasionnée. En parallèle, les droits acquis pendant le nouveau temps partiel effectué (trimestres retraite ou points) sont, à terme, pleinement intégrés dans le calcul de la pension de retraite définitive.
Mais ce dispositif créé il y a plus de 35 ans, remanié à plusieurs reprises par les réformes retraite successives, n’a pas trouvé son public : 24 237 personnes seulement, affiliées au régime général, en bénéficiaient fin 2022, soit une proportion ridicule (0,2 %) comparée au nombre de retraités de droit direct (14,4 millions de personnes au régime général).
UN PÉRIMÈTRE QUI S’ÉLARGIT CONSIDÉRABLEMENT
Pourquoi ? D’abord parce que ce dispositif était jusqu’alors réservé aux salariés des secteurs privé et agricole, y compris, plus récemment, à ceux ayant signé une convention en forfait jours, aux indépendants (commerçants et artisans), aux exploitants agricoles et aux agents non titulaires de la fonction publique.
Les décrets n° 2023-751 et n° 2023-753 publiés au Journal officiel le 10 août dernier viennent considérablement étendre le périmètre des personnes éligibles, puisque celui-ci concerne désormais tous les actifs : les fonctionnaires, les ouvriers de l’État, les professionnels libéraux (médecins, experts-comptables, avocats…) ainsi que les salariés des régimes spéciaux (RATP, SNCF, Banque de France…).
UNE CONTRAINTE DÉSORMAIS FORTE SUR LES EMPLOYEURS
Ensuite, et c’est certainement le point le plus important, parce qu’à partir du 1er septembre prochain, la loi oblige les employeurs à justifier pourquoi un passage à temps partiel n’est pas compatible avec leur activité économique : ils ont désormais 2 mois pour répondre à leurs salariés qui en font la demande, et leur refus de répondre vaut accord tacite.
Il s’agit là d’un beau revirement de situation par rapport à ce qui prévalait jusqu’à présent et qui laissait les employeurs avoir totalement la main sur le fait d’accorder ou non, sans avoir à donner une quelconque raison, un temps partiel aux salariés seniors en fin de carrière. En d’autres termes, comme le note le cabinet du ministre du Travail, « la charge de la preuve est inversée au bénéfice du salarié ».
UNE BORNE D’ÂGE QUI SE PROLONGE
L’âge minimum pour entrer dans ce dispositif reste fixé à l’âge légal applicable « diminué de deux années ». Compte tenu du recul progressif de cet âge légal de départ en retraite à partir du 1er septembre prochain, ce n’est qu’en 2030, lorsqu’il sera effectivement de 64 ans (pour les générations 1968 et après) que l’âge minimum requis pour une retraite progressive sera alors de 62 ans. Entre-temps, pour les générations nées entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1967, la borne d’âge va se décaler au même rythme, avec deux ans de moins.
DES CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ PEU MODIFIÉES
Du côté des conditions d’accès à ce dispositif de transition emploi-retraite, les décrets continuent de fixer, pour chaque profil éligible, un minimum de 150 trimestres retraite, tous régimes confondus. À noter que les majorations de durée d’assurance accordées aux mères de famille (8 trimestres par enfant pour les mères salariées affiliées au régime général par exemple) et les éventuels rachats de trimestres peuvent entrer dans ce décompte.
Comme auparavant, le temps partiel doit être compris entre 40 % minimum et 80 % maximum de l’ancien temps plein. Pour les professionnels libéraux, pour lesquels il n’est pas possible de mesurer la diminution du temps de travail, le décret retient une baisse des revenus d’activité, qui ne peut être inférieure à 20 % et supérieure à 60 %.
Dans tous les cas, le montant de la pension de retraite progressive, destiné à compenser le manque à gagner occasionné par le temps partiel, est calculé selon les paramètres habituellement utilisés par les régimes concernés. Seule une fraction de ce montant est versée aux personnes concernées : elle est inversement proportionnelle au nouveau temps de travail (ou à la baisse des revenus) effectué. Ainsi pour un salarié dont le temps partiel est de 60 %, la fraction de pension qu’il pourra percevoir est de 40 % de ce montant. À terme, et c’est un point qui n’a pas bougé avec la réforme, lors de la demande de pension définitive, les trimestres et les points engrangés durant les années de retraite progressive viennent s’ajouter aux droits acquis.
Enfin, autre paramètre inchangé : la possibilité laissée à l’employeur de décider si les cotisations retraite seront fonction du nouveau temps partiel ou si elles seront prélevées, sur la base d’un salaire temps plein, ce qui est évidemment, côté retraite, l’option la plus avantageuse pour un salarié.