Accès aux services publics – Le Conseil d’État tire la sonnette d’alarme
Dans son dernier rapport, la plus haute juridiction administrative de France alerte sur l’éloignement des services publics et prône un retour des guichets et de l’accueil téléphonique.
Mettre en place des politiques publiques en faveur de la population, c’est bien. Mais encore faut-il qu’au bout du compte, celles-ci viennent véritablement en aide aux usagers qui en ont besoin. C’est à cette dichotomie entre la volonté politique et l’efficacité réelle des mesures prises que le Conseil d’État vient de consacrer sa dernière étude annuelle. Et l’analyse de la plus haute juridiction administrative de France est très claire.
Sur le constat tout d’abord, le Conseil d’État l’affirme haut et fort : oui, le fossé ne cesse de se creuser entre l’action publique et les usagers. Et si des efforts indéniables sont réalisés, ils ne sont pas suffisamment suivis d’effet. Et pour cause, les ouvertures à la concurrence successives, la décentralisation à outrance ou encore l’accroissement irrémédiable des normes font que les usagers ont de plus en plus de mal à savoir qui fait quoi et rendent les démarches toujours plus compliquées.
La numérisation à marche forcée des services publics en est un des exemples les plus frappants. Pour le Conseil d’État, le fait d’avoir dématérialisé la quasi-totalité des procédures administratives est une bonne chose à la base car elle permet à une large partie de la population d’effectuer plus facilement leurs démarches. Mais l’institution confirme par ailleurs ce que tout le monde sait : ces mesures ont tendance à laisser sur le côté une partie de la population qui ne maîtrise pas les outils informatiques.
Remettre de l’humain au contact des usagers
Sur les manières d’y remédier aussi le Conseil d’État est on ne peut plus clair : « Il apparaît indispensable de sortir du 100 % numérique et de remettre de l’humain au contact des usagers. » Certes, des efforts ont été réalisés, mais ils ne sont pas toujours suivis d’effet : les initiatives faites pour rapprocher les services publics de la population ont tendance à être disparates et inégales, les plaquettes, sites Internet et autres simulateurs de droits sont intéressants, à condition que les administrés y aient accès et les utilisent à bon escient. Quant aux guichets et aux permanences téléphoniques que la plupart des administrations proposent, ils sont loin d’être efficaces. En 2021, par exemple, seuls 43 % des services publics mesuraient leur taux de décroché (c’est-à-dire la proportion entre les appels reçus et les appels traités) et parmi eux, seuls 16 % atteignaient l’objectif fixé de 85 % ! Enfin, si le Conseil d’État reconnaît que les maisons France services sont un vrai succès, il estime qu’il faudrait les rendre plus efficaces, notamment en impliquant plus les administrations partenaires et en formant mieux les agents d’accueil.
Au-delà de ces initiatives, le Conseil d’État prône surtout une démarche proactive. Il souhaite voir l’administration identifier les bénéficiaires potentiels et à aller vers eux pour les aider, plutôt que d’attendre qu’ils se manifestent. Cette mission pourrait tout à fait être menée si les gains de productivité générés par la numérisation des procédures y étaient systématiquement assignés, ce qui n’est pas le cas actuellement. Bien sûr, la plupart de ces constats sont connus depuis longtemps et les propositions d’amélioration sont loin d’être révolutionnaires mais désormais, la plus haute juridiction administrative du pays le dit aussi.