Billet de notre Présidente nationale : fibre optique – Un accord entre Orange et le gouvernement qui acte l’échec du plan France très haut débit ?
Alors que le rythme du déploiement de la fibre ralentit de manière inquiétante, et s’est même quasiment effondré dans les grandes villes, le gouvernement a récemment conclu un accord avec Orange afin de l’inciter à prendre sa part dans l’effort collectif d’achever la généralisation de la fibre d’ici fin 2025. Si l’opérateur échappe ainsi à une amende importante pour non-respect d’engagements passés, la contrepartie manque néanmoins cruellement d’ambition.
Malgré l’engagement d’Orange à couvrir 100 % des zones intermédiaires (territoires entre les zones très denses et les zones les plus rurales, qui correspondent à un tiers des foyers) au plus tard fin 2022, seuls 90 % environ l’ont effectivement été. L’objectif a donc été manqué. Le gouvernement a-t-il sanctionné l’opérateur ? Non. Il a simplement discuté avec Orange pour mettre en place un autre accord… qui acte un quasi-renoncement du gouvernement à ce que tous les consommateurs disposent de la fibre optique d’ici fin 2025.
En effet, cet accord prévoit qu’Orange raccorde à la fibre plus de 98,5 % des logements en zones intermédiaires à fin 2025. Comment concilier cet objectif avec celui d’une couverture intégrale de la France en 2025 ? Mystère… Et que répondre aux personnes non couvertes ?
Hasard du calendrier (sûrement), Orange vient juste de lancer une offre satellitaire très haut débit à 49,99 euros par mois (hors frais matériel). De fait, cette offre peut avoir une certaine forme d’intérêt pour les seuls ménages qui ne disposent pas d’une bonne connexion filaire à Internet. Est-ce à dire qu’en étant moins exigeant avec Orange sur la couverture à la fibre optique, le gouvernement lui fait en plus le cadeau de lui donner un « marché » pour commercialiser une offre satellitaire coûteuse ?
En outre, cet accord prévoit que dans les zones très denses – qui ne sont fibrées qu’à hauteur de 92 % en raison de l’absence d’obligations pesant sur l’ensemble des opérateurs d’y déployer complètement leurs réseaux – Orange atteigne fin 2025 une couverture de 96 % des foyers. Comment concilier cet objectif avec celui d’une couverture intégrale de la France en 2025 ? Mystère.
Je dis « mystère », car le troisième point de l’accord ressemble à s’y méprendre à un écran de fumée. Il s’agit en effet d’un droit de « raccordement sur demande » aux contours flous, mais dont on sait déjà qu’il ne bénéficiera pas à tous les consommateurs.
Plutôt que de négocier des accords faussement ambitieux avec Orange, le gouvernement ferait mieux de permettre à tous les consommateurs de bénéficier d’un véritable droit opposable au très haut débit, demandé de longue date par l’UFC-Que Choisir.
Les exigences envers les opérateurs devraient également concerner la qualité des travaux. Car là aussi, il commence à y en avoir assez des simples engagements des opérateurs à mettre en place des raccordements de qualité. Malgré nos constats sur la qualité souvent déplorable des raccordements, il apparaît que la situation ne s’est pas améliorée sur le terrain, si on se fie au fait que le nombre de litiges liés au raccordement à la fibre, signalés à l’UFC-Que Choisir, a augmenté de pas moins de 64 % cette année par rapport à l’année précédente !
Un remède qui pourrait vraiment changer la donne est déjà sur la table : la proposition de loi sur la qualité et la pérennité des réseaux en fibre optique, votée au Sénat et transmise à l’Assemblée nationale en mai. Ce texte propose des avancées concrètes pour les consommateurs, comme le droit de résilier sans frais en cas d’échec de raccordement ou le droit à une indemnité en cas d’interruption du service. Il est grand temps pour le gouvernement de mettre fin aux accords et de garantir l’inscription rapide de cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée pour enfin assurer un accès adéquat des consommateurs à la fibre.
Marie-Amandine Stévenin
Présidente de l’UFC-Que Choisir