Optique : le coût des lunettes a-t-il augmenté ?
Avec l’entrée en vigueur du 100 % Santé, les lunettes sont censées coûter moins cher. Mais dans les faits, ces équipements sans reste à charge restent peu vendus. Et comme les plafonds de remboursements des autres lunettes ont baissé, elles peuvent paradoxalement revenir plus cher. Explications.
Depuis un an et demi, on peut s’équiper de lunettes de vue sans aucun reste à charge (RAC), indépendamment de la correction et du niveau de couverture complémentaire. C’est le 100 % Santé, qui concerne aussi les audioprothèses et les soins dentaires. Les magasins d’optique doivent le proposer à tout le monde. C’est loin d’être le cas ! Selon les résultats provisoires d’une enquête de la Répression des fraudes, la profession renâcle. 60 % des enseignes visitées n’indiquent pas l’offre 100 % Santé sur le devis, n’exposent pas en magasin les montures éligibles ou dénigrent le dispositif de façon à dissuader la clientèle. Résultat : pour le moment, la réforme n’atteint pas les objectifs fixés. Selon les comptes de l’assurance maladie, seulement 12 % des montures et 14 % des verres sont choisis dans le périmètre du 100 % Santé. Le gouvernement s’était donné un objectif de 20 %.
Un recul des remboursements
Cette dissimulation du 100 % Santé est d’autant plus gênante que, pour les équipements n’en relevant pas (panier dit libre), la prise en charge, aussi bien par l’assurance maladie que par les complémentaires santé, s’est réduite. Fini les deux paires de lunettes par an, en plus du forfait lentilles de contact ! C’est, au mieux et sauf exception, une paire tous les deux ans, et en plus, des plafonds de remboursement ont été mis en place, puis progressivement abaissés. Pour la monture, 100 € au plus sont couverts. Au-delà, il faut mettre la main au porte-monnaie. Pour les verres, tout dépend de la correction. Cela va de 420 € à 800 €. Gardez à l’esprit que ce sont des montants maximums : selon votre contrat, les garanties peuvent être (très) inférieures ! Au final, il peut y avoir un reste à charge là où il était nul ou faible auparavant.
La facture s’alourdit
C’est le cas pour une de nos lectrices, qui auparavant ne payait rien pour son fils. Cette fois, après être allée chez 8 opticiens, dont aucun ne lui a parlé du 100 % Santé, elle s’est vu proposer des devis avec un reste à charge compris entre 70 € et 204 €. « Je trouve ça scandaleux. C’est pour un enfant et je paie ma mutuelle assez cher », dit-elle. Celle-ci a diminué la prise en charge des montures de 100 € à 60 €. « Or chez la plupart des opticiens, il n’y a quasiment pas de possibilité à moins de 100 €. » D’autres témoignages confirment l’alourdissement de la facture. Hélène Le Pape, bien que pourvue d’une complémentaire santé, a dû s’acquitter de « 143 € contre 60 € en 2018 ». Danielle Chaussade note : « J’ai dû payer beaucoup plus, bien que j’aie cette fois encore gardé mes montures vieilles de 17 ans. C’est dû à un recul du remboursement de ma mutuelle. » Beaucoup s’étonnent au passage de la faible participation de l’assurance maladie : 3 centimes par verre et 3 centimes pour la monture…
Pour le moment, peu de données sont disponibles sur l’évolution globale du reste à charge depuis l’entrée en vigueur du 100 % Santé. Seul le réseau Carte blanche, qui négocie des tarifs préférentiels auprès des opticiens pour le compte des adhérents d’assurances complémentaires, a sorti des chiffres. Certes, c’est à gros traits, car les équipements ne sont pas toujours comparables d’une année sur l’autre. Sur la base de 2 millions de prises en charge en 2019 et 2020, le total du reste à charge aurait augmenté sur un an de 8 millions d’euros, passant de 119 à 127 millions d’euros. Carte blanche estime que c’est à mettre au compte de la baisse du plafond de remboursement des montures. La part des équipements sans reste à charge, y compris 100 % Santé, est passée de 23 % à 15 %.
Limiter son reste à charge
Il est possible de s’en sortir sans trop de dégâts financiers, mais il faut être très attentif aux conditions de prise en charge de la complémentaire. Si l’opticien ne propose pas l’offre 100 % Santé et que vous êtes intéressé, insistez en lui rappelant que c’est ouvert à tous. Pour un équipement hors 100 % Santé, si votre complémentaire adhère à un réseau (Itelis, Carte blanche, Istya, Santéclair…), cela vaut le coup de solliciter un opticien référencé. Le prix peut y être bien plus bas qu’ailleurs. Avant d’aller en magasin, renseignez-vous précisément sur le remboursement garanti par votre complémentaire.