Pesticides : des riverains exposés à plus de 100 mètres des cultures
Selon l’étude Exporip menée par l’ONG Générations futures, les zones tampons de non-traitement (ZNT) actuelles ne suffisent pas à protéger les riverains des résidus d’épandage.
Quel est l’impact des produits phytosanitaires sur la santé des personnes vivant à proximité des exploitations agricoles ? La question est d’une actualité brûlante, alors que le Conseil d’État a donné au gouvernement jusqu’à fin janvier 2022 pour renforcer les règles d’utilisation des pesticides. Cette décision fait suite aux recours déposés par des communes et des associations (dont l’UFC-Que Choisir) qui jugeaient très insuffisantes les zones de non-traitement (ZNT) fixées fin 2019 entre les parcelles cultivées et les habitations (5 mètres, 10 mètres ou exceptionnellement 20 mètres en fonction de la dangerosité des produits et du type de culture concernée). À l’inverse, une chambre d’agriculture ainsi qu’un groupe d’agriculteurs ont eux aussi contesté ces règles devant le Conseil d’État, mais parce qu’ils les considéraient comme excessives ! Dans ce contexte de vives polémiques, l’ONG Générations futures a tenu à apporter sa pierre à l’édifice en réalisant une campagne participative de détection des résidus de pesticides dans l’air de maisons situées à proximité immédiate d’une exploitation agricole (vignes, vergers ou grandes cultures). D’avril à octobre, 58 foyers, tous volontaires, ont réalisé des prélèvements sur les vitres de leurs maisons avant de les envoyer pour analyse au laboratoire indépendant Yootest. Trente pesticides parmi les plus utilisés ont été recherchés. Le constat est sans appel : près de 80 % des prélèvements analysés attestent de la présence d’au moins un résidu de pesticides ! Sans surprise, la distance entre les cultures et les habitations influe sur le pourcentage d’occurrence. Ainsi, on retrouve au moins un résidu de pesticides dans 95 % des échantillons prélevés à moins de 21 mètres des cultures. Ce taux se maintient à 90 % pour les prélèvements réalisés entre 21 et 100 mètres, et il chute à 50 % au-delà de cette distance. Et si la plus grande partie des échantillons testés « sans résidus de pesticides » provient de logements situés à plus de 101 mètres des cultures, il n’empêche qu’un échantillon contenant un résidu de pesticides a été prélevé à plus de 1 500 mètres de la première culture !
15 pesticides différents trouvés
Autre constat, il est plus fréquent de retrouver des pesticides à proximité des vignes (94,4 %) que des grandes cultures (73,3 %). Sur les 30 pesticides recherchés, la moitié ont été détectés au moins une fois (9 fongicides, 5 herbicides et 1 insecticide). Certains d’entre eux sont loin d’être anodins, on note en particulier la présence de 4 perturbateurs endocriniens suspectés ou avérés, de 1 cancérigène possible, le lénacile, de 1 reprotoxique suspecté, le spiroxamine, ainsi que d’inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), le boscalid et le fluopyram.
« Même si ces résultats demandent à être vérifiés sur un plus grand nombre de prélèvements, la distance de 100 mètres demandée depuis longtemps par Générations futures et de nombreuses autres ONG semble bien avoir un effet très net sur la baisse de l’exposition aux pesticides », observe François Veillerette, le porte-parole de l’association. Reste à savoir si l’étude sur l’exposition aux pesticides des riverains d’exploitations viticoles (Exporiv) lancée à l’automne par Santé publique France (SPF) et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) confirmera ces conclusions. Malheureusement, les résultats finaux ne sont pas attendus avant 2024, alors qu’il y a urgence et que de nombreuses personnes sont gravement impactées chaque jour !