Viandes avariées : ouverture du procès de l’abatteur Castel Viandes
Cette affaire, qui met en cause un industriel pour remballe de viande avariée, falsification de résultats d’analyse et de traçabilité, tromperie sur les produits vendus à ses clients, illustre l’échec des autocontrôles réalisés par les entreprises elles-mêmes, et l’insuffisance de l’État.
10 ans ! Il aura fallu 10 ans pour que le dossier arrive devant la justice. La société d’abattage-découpe Castel Viandes, ainsi que son PDG Joseph Viol et deux de ses cadres, la responsable qualité et le responsable production, comparaîtront le 5 mai devant le tribunal correctionnel de Nantes (Loire-Atlantique). Ils y seront jugés pour une longue liste de tromperies, dont certaines auraient pu causer des drames. En l’attente du verdict, ils sont présumés innocents des faits qui leur sont reprochés.
À plusieurs reprises, et pendant des années jusqu’en 2013, l’entreprise aurait écoulé des lots de viande contaminée à la salmonelle ou à E. coli, deux bactéries à l’origine d’intoxications alimentaires potentiellement mortelles. Elle aurait pour cela falsifié les résultats d’analyses bactériologiques effectuées pour son compte par le laboratoire de Touraine, dans le cadre des procédures d’autocontrôle. Castel Viandes aurait aussi procédé à de la remballe de viandes qui lui avaient été retournées, avant de les revendre à des restaurants au-delà de la date de péremption pour des produits aussi sensibles. Et ce n’est pas tout : la traçabilité de certaines marchandises aurait été falsifiée, voire inexistante ; des viandes souillées auraient été réintroduites dans la chaîne de production sans en informer ses acheteurs ; des animaux auraient été abattus dans un état de saleté excessif, accroissant les risques de contamination ; des steaks hachés ou de lots de viande s’avéraient de piètre qualité (trop gras, ou contenant des bouts de tissus de moindre qualité que les muscles), en contradiction avec les exigences de ses clients.
L’étonnante lenteur de la procédure judiciaire
Il aura fallu la dénonciation de l’ancien responsable qualité de la société, en décembre 2012, pour qu’une enquête préliminaire soit lancée début 2013. Les investigateurs ont mis en évidence de nombreux dysfonctionnements, et un juge d’instruction a été saisi en septembre 2013. Étonnamment, alors même que les infractions étaient patentes, l’ordonnance de renvoi devant le tribunal n’a été signée qu’en décembre… 2019 ! Pourquoi une telle lenteur ? La position sociale du PDG de Castel Viandes, Joseph Viol, un notable connu dans le département, a pu être un frein. Tout comme le laxisme apparent de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) de Loire-Atlantique, face au principal employeur de Châteaubriant. Ou le fait qu’une partie des clients de Castel Viandes n’ai pas souhaité se porter parties civiles, certains ayant même continué de s’approvisionner auprès de l’entreprise.
Des industriels et distributeurs trompés mais peu rancuniers
Les victimes sont des entreprises connues : les distributeurs Auchan et Système U, les industriels Marie, Fleury-Michon, Celtigel et Impralsa, ainsi que les chaînes de fast-food McDonald’s (via son fournisseur McKey) et Flunch. Seuls McKey et Flunch se sont constitués partie civile, aux côtés de l’UFC-Que Choisir et de l’interprofession de la viande Interbev. Il est d’autant plus étonnant de ne pas y voir les autres entreprises, que les tromperies dont elles ont été victimes étaient potentiellement lourdes de conséquences… Passons sur l’incorporation peu ragoûtante d’aponévroses dans des steaks hachés ou des taux de matière grasse supérieurs aux cahiers des charges. Mais les livraisons de viandes fraîches contaminées par des salmonelles, des listeria ou des bactéries Escherichia coli à Fleury-Michon, Marie ou encore Auchan et Système U, leur faisaient courir un risque réputationnel. Peut-être n’ont-ils pas voulu voir leurs noms associés à une nouvelle fraude dans la filière viande, alors que l’affaire de la viande de cheval faisait déjà les gros titres ?
L’échec patent du système d’autocontrôles
Ce procès montre comment une entreprise, Castel Viandes, peut s’affranchir des règles sanitaires. Il met aussi en lumière l’échec patent du système d’autocontrôles, qui repose sur la seule décision des entreprises de transmettre à l’administration les résultats d’analyses montrant des contaminations. Dans cette histoire, tous les maillons économisent sur les frais de contrôles, y compris les pouvoirs publics. Mais ce sont les consommateurs qui paient la note, en étant exposés à des produits contaminés.
Les faits reprochés
Les prévenus sont mis en examen pour :
- Tromperie sur la nature ou la qualité substantielle des produits.
- Mise sur le marché de produits d’origine animale préjudiciables à la santé.
- Obstacle ou entrave aux agents chargés du contrôle sanitaire des animaux et des aliments.
En revanche, l’accusation de mise en danger de la vie d’autrui n’a pas été retenue, faute de preuves établies entre différents cas d’intoxication alimentaire et ces pratiques.