Nutri-Score : la Commission européenne sème le trouble
Alors que l’Europe doit se prononcer dans les prochains mois sur le logo nutritionnel qu’elle souhaite imposer sur tous les produits alimentaires emballés, une annonce a ravi les opposants au Nutri-Score : ce dernier ne serait pas retenu… Reste à savoir à quel point l’alternative qui sera proposée diffèrera du système à cinq couleurs.
« Nous ne proposerons pas le Nutri-Score. » Le 30 septembre dernier, Claire Bury, directrice adjointe à la durabilité alimentaire au sein de la Commission européenne, a créé la surprise, lors d’un débat organisé par le média Politico, en indiquant que l’Europe ne retiendrait pas ce logo comme indicateur nutritionnel obligatoire sur l’ensemble des produits transformés. Le choix d’un tel indicateur simplifié, à apposer en face avant des emballages alimentaires, est attendu pour la fin de l’année, ou le début de l’année 2023. Et le Nutri-Score (actuellement facultatif) semblait compter parmi les favoris.
Déjà adopté par des centaines de marques dans 7 pays différents, il a en effet reçu le soutien du Centre international de recherche sur le cancer de l’OMS, ainsi que de plusieurs dizaines de sociétés savantes et associations liées à la santé. Et s’il ne fait pas pour autant l’unanimité dans la communauté scientifique, il apparaît comme le seul logo existant à répondre parfaitement aux 3 principaux critères d’un bon indicateur nutritionnel, définis par le Centre commun de recherche de la Commission européenne :
- être interprétatif (en attribuant une note d’intérêt nutritionnel aux produits) ;
- simple (la note se réduisant à une seule lettre allant de A à E) ;
- associé à un code-couleur (du vert pour le A au rouge pour le E).
Un lobbying intensif
Pourquoi, alors, vouloir l’exclure ? Pour « éviter la polarisation du débat », a justifié Claire Bury. Le logo concentre les attaques d’une partie de l’industrie agricole et agro-alimentaire et de certains pays, Italie en tête, qui l’accusent notamment d’être simpliste et trop sévère vis-à-vis de certains produits (en particulier le fromage et la charcuterie). Dans un tel contexte, il semblerait donc que le choix de la Commission (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions) soit stratégique : pour s’assurer que le Parlement européen et les États membres adoptent le logo, mieux vaudrait proposer un nouveau système pour ne pas cristalliser les oppositions !
Un retard accru
Tout n’est pas perdu pour les défenseurs du Nutri-Score, car le logo qui sera finalement proposé par l’Europe pourrait s’en inspirer largement. Néanmoins, si la Commission devait avancer vers une alternative, voire une combinaison de différents systèmes, cela retarderait l’adoption d’un indicateur nutritionnel obligatoire dans toute l’Europe, estime Serge Hercberg, l’un des scientifiques à l’origine du Nutri-Score. « Il faut des années pour développer un logo et le tester », rappelle-t-il. Or, de l’aveu même de Claire Bury, sur ce sujet, l’Europe est déjà « en retard par rapport au reste du monde ». Le Chili, Israël, le Canada ou encore le Brésil ont en effet déjà rendu obligatoire l’apposition d’indicateurs nutritionnels simplifiés en face avant des emballages. Et l’Europe n’est, pas plus que ces pays, épargnée par les ravages de la malbouffe : rien que le surpoids et l’obésité feraient 1,2 million de morts, chaque année, sur le Vieux Continent.