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Poltronesofà : condamné pour une authentique tromperie

Le vendeur de canapés italien a conclu un accord transactionnel de 800 000 € avec la Répression des fraudes, notamment pour avoir faussement utilisé la mention « artisan ». La société vient également d’être mise en demeure par l’UFC-Que Choisir pour des problèmes de livraison et de garantie. Ce n’est pas la première fois que Poltronesofà est inquiétée, mais elle était jusque-là passée entre les gouttes.

Un atelier qui fleure bon le cuir et le tissu, des personnels équipés de tabliers en cuir à l’image des artisans d’autrefois, des gros plans sur des mains dessinant des patrons ou inspectant des coutures… Et surtout un slogan désormais connu de tous : « Artigiani della qualità », littéralement « Artisans de la qualité ». C’est peu dire que Poltronesofà ne lésine pas sur les moyens pour laisser penser que ses canapés sont fabriqués dans les règles de l’art par de vrais façonniers italiens. C’était compter sans la sagacité des agents de la direction départementale de la Protection des populations (DDPP) des Hauts-de-Seine (92) qui, au terme de plusieurs mois d’enquête, ont reconnu la SAS Poltronesofà France coupable de tromperie. Les services de la Répression des fraudes reprochent notamment à la filiale française de la société italienne d’avoir, entre 2017 et 2019, diffusé à la télévision des publicités usurpant les qualités d’artisans et de maîtres artisans ainsi que d’avoir mis en place de fausses promotions dans certains magasins.

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C’est dans ce genre de publicité que Poltronesofà se présentait comme « Artisans de la qualité ».

Ce n’est pas la première fois que Poltronesofà est accusé de telles pratiques. En juillet 2016, l’Instituto dell’ Autodiciplina Publicitaria, le régulateur italien de la publicité, avait déjà censuré certains de ses spots télévisés pour des raisons similaires. Et l’année dernière, la société a été condamnée 1 million d’euros d’amende par l’autorité de la concurrence transalpine. Mais en France, elle avait toujours échappé aux sanctions. En 2018, l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), une organisation proche des professionnels, avait bien été saisie, mais son Jury de déontologie avait estimé que le fait d’avoir supprimé le nom Poltronesofà des tabliers visibles à l’écran suffisait pour être certain que les téléspectateurs n’imaginent pas que la société fabriquait des canapés. Surtout, elle avait trouvé que le slogan « Artisans de la qualité » (au lieu de « Nous sommes les artisans de la qualité », utilisé jusque-là) indiquait clairement que Poltronesofà concourait à la qualité, mais en aucun cas que ses canapés étaient fabriqués par de vrais artisans.

Des consommateurs trompés sur la qualité

La Répression de fraudes, elle, ne l’a pas vu de cet œil et vient de condamner Poltronesofà à une amende transactionnelle de 800 000 € pour pratique commerciale trompeuse. La Fédération française du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison (FNAEM), à l’origine des différentes actions menées en France, se dit satisfaite. « Pendant des années, Poltronesofà s’est fait passer pour un fabricant de meubles afin de pouvoir communiquer à la télévision sur des offres promotionnelles, ce qui est interdit aux distributeurs, décrypte Jean-Charles Vogley, le secrétaire général de la FNAEM. Or, non seulement Poltronesofà ne fabrique pas de meubles, mais en plus ce distributeur travaille avec les mêmes fournisseurs que ses concurrents. Cette situation créait une concurrence déloyale et trompait le consommateur qui pensait faussement acheter un canapé haut de gamme à bon prix. »

Aujourd’hui, Poltronesofà a modifié sa communication. Il a notamment changé son slogan en « Autentica qualità » (« Qualité authentique ») et n’affirme plus être fabricant. Il continue toutefois à assurer sur son site Internet que « toute [sa] gamme de modèles est faite main en Italie ». « Ce n’est pas faux, reconnaît Jean-Charles Vogley, mais chez tous les fabricants le rembourrage et le tapissage se font à la main, quel que soit le niveau de gamme. Le secteur de l’assise est très peu mécanisé. Quant à l’Italie, elle reste de loin le premier producteur de canapés en Europe. » Même si, contrairement à ce que tente de nous faire croire Poltronesofà, les canapés y sortent plus de grandes usines que de petits ateliers d’artisans.

Des clients qui se plaignent

Mais la qualité de service, elle, ne change pas. Alertée par de nombreux consommateurs, l’UFC-Que Choisir vient de mettre en demeure Poltronesofà de modifier ses pratiques commerciales. Le service juridique de l’UFC-Que Choisir reproche notamment à l’enseigne de nombreux retards de livraison et des soucis dans l’application de la garantie légale de conformité. Des clients assurent avoir attendu très longtemps leur canapé ou avoir constaté des défauts d’usure prématurée. Or, dans bien des cas, Poltronesofà s’est exonéré de ses obligations, notamment en n’appliquant pas la garantie légale de conformité, comme la loi l’y oblige. Face à de tels manquements, l’UFC-Que Choisir entend bien, par tous les moyens, pousser l’enseigne à régler rapidement les litiges en cours.