Label Haute valeur environnementale : dépoussiérage peu satisfaisant
Face aux critiques récurrentes quant à son manque d’exigence, le cahier des charges du label Haute valeur environnementale (HVE) a été renforcé. Mais des incohérences subsistent, par exemple sur la possibilité d’utiliser des pesticides classés cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques certains.
Le label Haute valeur environnementale (HVE) suscite de vives controverses depuis son lancement en 2011 par le ministère de l’Agriculture. Trop facile à obtenir par les exploitations agricoles intensives, peu efficace pour réduire l’utilisation de pesticides et d’engrais de synthèse, concurrent déloyal au bio… les critiques contre un cahier des charges peu exigeant sur le plan environnemental étaient multiples.
D’abord de la part des associations de défense de l’environnement, mais pas seulement. Un rapport de l’Office français de la biodiversité (OFB) de 2021, qui vient d’être publié, étrille sévèrement le HVE et suggère une série de modifications – ce document a attendu plus d’un an dans les cartons avant que le ministère ne se résolve à le mettre en ligne, montrant son embarras. Et même la Cour des comptes et la Commission européenne, deux institutions peu suspectes de posture radicale, le jugent insuffisant !
Nouveau cahier des charges au 1er janvier 2023
Au point que le ministère s’est résolu à revoir sa copie. Objectif : donner assez de gages d’amélioration pour que ce label puisse continuer à bénéficier des mêmes subventions que le bio dans le cadre de la politique agricole commune, et des mêmes crédits d’impôts. Un arrêté et un décret du 18 novembre 2022 durciront donc les critères d’obtention de la certification HVE à partir du 1er janvier. « Le référentiel rénové ne comporte plus de voie B (1) et ses exigences ont été revues à la hausse sur les indicateurs de protection de la biodiversité, de limitation de l’usage de produits phytosanitaires, et de gestion raisonnée de la fertilisation », résume le ministère.
Un expert interrogé souligne qu’il serait crucial « de ne pas pouvoir contourner un critère très exigeant par d’autres, qui ne le sont pas réellement ». Raté… La plupart des observations de l’Office français de la biodiversité ont été ignorées. À la lecture des nouvelles exigences, obtenir le maximum de points semble certes un peu moins facile, mais reste possible sans modifier substantiellement ses pratiques. Quelques items intéressants sont ajoutés, mais ils relèvent davantage d’une bonne gestion technique de l’exploitation que d’une réelle démarche de fond.
Pesticides cancérogènes certains autorisés
On peut ainsi regretter que le cahier des charges ne soit pas plus strict sur des enjeux majeurs. Concernant les pesticides, utiliser des produits classés « cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques certains » (CMR1) n’est pas disqualifiant pour l’obtention du label. Et encore, une « dérogation exceptionnelle » reste possible « en cas d’impasse avérée, notamment de nature socio-économique ». Ce qui laisse la porte grande ouverte à l’argument récurrent de « distorsion de concurrence »… Ainsi, un agriculteur qui met en place des pratiques d’utilisation « raisonnée » de ces produits peut obtenir le maximum de points pour l’indicateur « phytosanitaires ».
Autre exemple, il est possible de valider facilement l’indicateur sur la biodiversité si l’exploitation met en œuvre un certain nombre de bonnes pratiques – qui, certes, vont dans le bon sens, mais ne sont pas pour autant difficiles à obtenir ou très efficaces vis-à-vis de la biodiversité. Ainsi, quelques centaines de mètres de haies et un assolement varié (avec plusieurs cultures, ce qui est la base d’une bonne gestion agronomique) assurent facilement la moitié des points nécessaires pour valider l’indicateur, le reste pouvant être pioché parmi les différents items proposés.
Enfin, l’indicateur « fertilisation » reste facile à obtenir si l’exploitation respecte la Directive Nitrate (la réglementation européenne) – ce que l’agriculteur est censé faire… Bref, la révision n’est pas encore de « haute valeur » !
(1) La « voie B » était très contestée : son « approche globale » permet d’obtenir très facilement le label HVE sans réel bénéfice environnemental, en particulier en viticulture.