Les produits phytopharmaceutiques à la loupe
Insecticides, fongicides, herbicides, anti-limaces, inhibiteurs de germination… Tous ces produits sont des produits phytopharmaceutiques (PPP), c’est-à-dire des substances ou préparations chimiques contenant un ou plusieurs actifs destinés principalement à protéger les végétaux contre les organismes nuisibles. La DGCCRF a enquêté sur la sécurité, la conformité et le respect des règles de commercialisation de ces produits. Ce sont près de 1000 établissements qui ont été contrôlés en 2020 et 2021.
Le champ des contrôles
Focus sur la réglementation des PPP :
Tout PPP mis sur le marché, qu’il soit produit en France, introduit ou importé doit, sauf dérogation, bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) ou d’un permis de commerce (pour les PPP ayant la même composition qu’un PPP fabriqué et autorisé en France) délivrés par l’ANSES (article L. 253-1 du Code Rural et de la Pêche Maritime).
Au stade de la distribution, les professionnels ont une obligation d’agrément pour pouvoir les commercialiser ; une certification individuelle des vendeurs est en outre nécessaire. Les PPP sont par ailleurs soumis à des règles spécifiques d’étiquetage, de classement et d’emballage (règlements (CE) n°1272/2008 dit CLP applicable aux produits chimiques et (CE) n°1107/2009, art. 65) et la publicité est interdite pour ces produits.
Depuis le 1er janvier 2019, la vente des PPP est interdite aux jardiniers amateurs, à l’exception des produits de biocontrôles, des produits dits à faibles risques et des produits utilisables en agriculture biologique (loi n° 2014-110 du 6 février 2014 modifiée dite loi Labbé).
Une commercialisation et un usage non encadrés des PPP engendreraient des risques pour l’environnement, pour la santé humaine et pour la santé animale. Ce marché est donc strictement réglementé (voir focus). Le contrôle du respect de ces règles est d’autant plus important que la réglementation rend l’obtention d’une autorisation de mise sur la marché (AMM) des PPP longue et coûteuse. Outre la sécurité des utilisateurs et consommateurs, les contrôles visent donc également à vérifier que les opérateurs ne s’exonèrent pas de la réglementation pour en tirer un avantage concurrentiel.
La surveillance du marché national des PPP s’inscrit dans un cadre communautaire. Chaque État membre doit surveiller son propre marché puis transmettre à la Commission européenne le rapport annuel des résultats des contrôles effectués l’année précédente.
Les contrôles menés en 2020 et 2021 ont été effectués à tous les stades de la mise sur le marché, c’est-à-dire au stade de la fabrication, notamment du conditionnement, de la distribution (grossistes, coopératives, magasins spécialisés et généralistes) et de l’importation. En raison du développement du commerce en ligne, plusieurs sites internet ont également fait l’objet de contrôles.
Lors des investigations, il était question, pour les enquêteurs, de vérifier la conformité de la qualité, de la quantité mais aussi de la composition des produits par le biais d’analyses en laboratoire. C’est en effet en laboratoire que sont identifiées les substances actives organiques et inorganiques, leurs teneurs dans les formulations et, quand cela est possible, les teneurs en impuretés réglementaires, la détermination du pH et la masse volumique des liquides. Outre ces contrôles, l’étanchéité des emballages est vérifiée comme par ailleurs la contenance des cuillères graduées et verres doseurs, ainsi que leur adéquation aux consignes figurant sur les produits commerciaux. Le respect des AMM, les conditions de mise en vente des produits et les règles d’étiquetage spécifiques aux PPP sont également contrôlés.
Les principaux terrains d’anomalies
Environ un tiers des établissements visités en 2020 et 2021 (1048 établissements au total) présentaient des anomalies. Par ailleurs, respectivement 46% et 39% des produits analysés se sont avérés non conformes.
Les principales anomalies analytiques relevées concernaient les teneurs en substances actives (38% des prélèvements en 2020 et 32% en 2021) et l’étiquetage (20% en 2020 et 8,7% en 2021 pour les anomalies sans lien avec les substances actives).
Certaines anomalies portaient sur la non-conformité de produits à diluer. Ainsi, un insecticide professionnel prélevé en 2020 auprès d’un distributeur a été jugé conforme pour le dosage de la substance active, mais non conforme pour le verre doseur mis à disposition. En effet, les mesures graduées pour les volumes de 50 et 75 mL délivraient trop de produit. Cet excès volumétrique entraîne un surdosage d’insecticide dans le traitement final, ce qui est contraire aux doses préconisées par l’AMM et nocif pour l’environnement. Il a été demandé au professionnel de procéder à la mise en conformité du produit.
Comme les années précédentes, les enquêteurs ont pointé certains maintiens à la vente ou la présentation, sur des sites internet d’information, de divers produits phytopharmaceutiques dont les AMM avaient fait l’objet d’un retrait. Parmi ces produits, les herbicides représentaient ici une forte majorité. En 2021, il a notamment été mis fin à la commercialisation sur un site de vente en ligne de produits à base de glyphosate, interdits à l’usage des non professionnels en France.
Il a été constaté que la réduction drastique, pour les jardiniers amateurs, de solutions de traitement consécutive à l’entrée en vigueur de la loi Labbé du 6 février 2014 alors que la demande reste forte, conduisait à des dérives au niveau de la distribution : dans le cadre de différents contrôles, aussi bien en 2020 qu’en 2021, la séparation des PPP des autres types de produits (types détergents anti-dépôts verts ou biocides répulsifs de fourmis) a dû être exigée afin de faire respecter la réglementation, de même que le retrait d’affiches en magasin indiquant de façon indue que les produits étaient utilisables en agriculture biologique et donc accessibles aux amateurs.
Les anomalies relevées dans le cadre de ces enquêtes ont fait l’objet, selon la gravité des constats réalisés, d’avertissements, de demande de mise en conformité (injonction) et de procès-verbaux pénaux et administratifs (pour mise sur le marché de PPP sans autorisation ou absence d’agréments pour la vente de PPP, ou encore absence d’affichage de prix).
Les restrictions de commercialisation des PPP au grand public ont également conduit à une restructuration du marché (augmentation des ventes de produits dits « alternatifs ») parfois accompagnée de pratiques frauduleuses comme les ventes par « dropshipping » de produits de synthèse interdits en France. Le contrôle des PPP sera donc reconduit dans les années à venir avec ciblage renforcé des circuits de distribution professionnels ou de distribution sur des sites internet, voire la commercialisation par l’intermédiaire des réseaux sociaux.
Cible 2020 | Résultats |
---|---|
467 établissements contrôlés530 visites effectuées
79 prélèvements analysés |
126 avertissements49 injonctions
11 procès-verbaux pénaux 1 procès-verbal administratif |
Cible 2021 | Résultats |
---|---|
521 établissements contrôlés591 visites effectuées
103 prélèvements analysés |
150 avertissements30 injonctions
8 procès-verbaux pénaux 2 procès-verbaux administratifs |