Encadrement des influenceurs : un grand débat pour pas grand-chose
Une meilleure protection des enfants, une police de l’influence, un guide pratique… il n’est pas du tout certain que les mesures annoncées ce matin par le gouvernement suffisent à mettre fin aux dérives des influenceurs.
Après des mois de réunions avec les professionnels du secteur et des associations de consommateurs, et au terme d’une grande consultation publique, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a dévoilé les mesures qu’il entend prendre pour mieux encadrer l’activité des influenceurs.
Parmi elles, des mesures visant à mieux protéger les influenceurs de moins de 16 ans et faire appliquer aux réseaux sociaux les mêmes règles en matière de publicité que sur les autres médias. Le ministre affiche notamment la volonté de mieux encadrer le discours des influenceurs en matière d’alcool, de placements financiers, de jeux ou de tabac. Il souhaite aussi interdire la publicité pour la chirurgie esthétique par les influenceurs. Pour cela, une proposition de loi sera déposée prochainement.
Des lois existent déjà
Si l’intention est louable, rien ne dit pour autant que de nouvelles dispositions légales changeraient fondamentalement la donne. Et pour cause, la loi du 19 octobre 2020, entrée en vigueur il y a quelques semaines, protège déjà les jeunes influenceurs. Celle-ci prévoit en effet qu’à l’image des secteurs du mannequinat, du spectacle ou de la publicité, les parents d’enfants gagnant de l’argent grâce aux réseaux sociaux sont tenus d’obtenir au préalable un agrément ou une autorisation de l’administration et de bloquer une partie de leurs revenus jusqu’à leur majorité.
Quant à l’encadrement des messages des influenceurs sur certains produits, il est logique, dans la mesure où les interventions rémunérées sont considérées comme de la publicité, que les dispositions en vigueur à la télévision s’appliquent aussi sur les réseaux sociaux.
Procédure lourde
Pour faire appliquer ces mesures, le ministre a aussi l’intention de créer une « brigade de l’influence commerciale » au sein de la DGCCRF, qui sera chargée de contrôler que les influenceurs respectent bien la loi. Même si les agents de la Répression des fraudes sont d’ores et déjà en mesure d’intervenir sur ces sujets, l’idée de disposer d’équipes dédiées n’est pas inutile, à condition toutefois que les moyens alloués soient suffisants.
Pour faciliter le travail de ces enquêteurs, un nouveau dispositif appelé « signalement de confiance » pourrait aussi voir le jour. Concrètement, des personnes ou des associations de consommateurs identifiées comme étant des tiers de confiance et qui constateraient un manquement de la part d’un influenceur pourraient alerter les autorités. Leur signalement serait alors traité en priorité. Là encore, l’idée est louable, même s’il reste à savoir comment ce dispositif s’organisera concrètement. D’après nos informations, la procédure pour devenir tiers de confiance pourrait s’avérer lourde, avec l’obligation de suivre des formations et d’assister à des réunions régulières, ce qui risquerait de limiter grandement le nombre de volontaires.
Enfin, autre mesure annoncée : la publication d’un guide de 18 pages à destination des influenceurs, dans lequel figureront des informations liées à leur activité, notamment à leurs droits et à leurs devoirs. Pas sûr que ce document, dont la consultation sera facultative, servira à quelque chose.
D’autres mesures en vue
Le ministre de l’Économie et des Finances a également fait savoir que les influenceurs devraient dorénavant indiquer lorsque leurs photos ou vidéos sont retouchées et que le site Signal Conso sera adapté pour simplifier les signalements. Les sanctions en cas d’infraction seront par ailleurs alourdies, l’activité d’influenceur et d’agence d’influenceurs sera mieux définie et les marques, agences et influenceurs devront désormais signer un contrat écrit lorsqu’ils travailleront ensemble.