Pouvoir d’achat (octobre 2023) – Une « déconsommation » en réponse aux prix élevés
Le mot est dans la bouche de tous les experts : sous la contrainte de l’envolée des étiquettes, les ménages ont modifié leurs habitudes d’achat. Ils achètent moins cher, et parfois moins. Et c’est parti pour durer. Les distributeurs et leurs fournisseurs l’assument désormais : les prix ne baisseront pas. Au mieux, ils se stabiliseront. Reste à savoir quand, et à quel niveau.
« Déconsommation » : le mot est sur toutes les chaînes d’information depuis quelques mois – le patron de Carrefour, Alexandre Bompard, a même évoqué un « tsunami de déconsommation » au micro de France Info le 29 août. En effet, après avoir acheté moins cher en baissant en gamme, les ménages en difficulté financière sont passés à une autre étape : acheter moins. D’abord les aliments onéreux, tels que la viande, le poisson, le fromage. Puis des produits d’hygiène, des petits plaisirs… La société d’études Circana (ex-Iri) faisait état de baisses de plus de 4 % du volume des achats en grande surface au premier semestre. Cette décrue est en partie liée à la reprise post-Covid, avec une restauration commerciale hors foyer (restaurants, cantines, etc.) qui reprend des couleurs aux dépens des achats en magasin, ainsi qu’à une baisse du nombre de références et à un vieillissement de la population, relativise Emily Mayer, analyste chez Circana. Mais il s’agit aussi « de plus en plus des arbitrages sur les volumes en période inflationniste », pour la Fédération du commerce et de la distribution. Désormais, les Français se privent. Les associations d’aide à la personne – comme les Restos du cœur et le Secours populaire – constatent qu’un quart des Français restreignent leur quantité de nourriture, et qu’un sur deux se prive de viande ou de fruits et légumes.
Une désaffection qui inquiète les enseignes et leurs fournisseurs des filières alimentaires et de produits cosmétiques, d’hygiène et d’entretien – et les contraindra peut-être à faire des efforts sur les tarifs en rayons, alors qu’ils entament leur phase de négociations commerciales annuelles.
Les prix des aliments se stabilisent
Mais si les prix en grandes surfaces se sont bel et bien stabilisés depuis 6 mois, ils restent supérieurs de 11,5 % à ceux d’octobre 2022, et de 25 % à ceux d’octobre 2021, d’après nos relevés. La baisse générale promise par le gouvernement n’aura pas lieu pour autant : les fournisseurs réclament à l’inverse aux enseignes de nouvelles hausses tarifaires pour absorber leurs charges. « Il n’y aura pas de baisse des prix », a d’ores et déjà prévenu Michel-Édouard Leclerc, à la tête du groupe éponyme, sur BFM Business le 17 octobre, déplorant les « trop fortes demandes » d’augmentations des industriels. Mais le juste prix est difficile à établir : si certaines matières premières agricoles ont vu leurs cotations revenir à des niveaux habituels, à l’instar du blé ou de l’huile, d’autres restent onéreuses, comme le saumon ou le lait. Les fabricants ont également concédé des augmentations salariales, et restent soumis à des tarifs de l’énergie élevés.
Sursaut de l’électricité et des forfaits
L’inflation totale suit la même tendance, oscillant depuis un semestre entre 10 et 12 % sur 1 an glissant. En octobre, elle est même légèrement moins élevée que les mois précédents, avec des dépenses globales en hausse de « seulement » 5,8 % par rapport à octobre 2022. Elle reste portée par les produits de grande consommation (+ 11,5 %) mais aussi par un sursaut des tarifs de l’électricité.
L’énergie continue de faire le yo-yo, avec des prix très fluctuants au gré des cotations du pétrole. Autre secteur qui enregistre des augmentations très fortes, et dont la légitimité n’est de prime abord par évidente : les forfaits et abonnements (téléphonie, TV, VOD, etc.), à + 11 % sur un an ! Nous l’annoncions en avril dernier, cela se confirme désormais dans les chiffres de l’inflation.
Méthodologie
Que Choisir évalue le taux d’inflation mois par mois, à partir de ses propres observations. Pour près de 40 % des dépenses de consommation, nous disposons de données permettant d’évaluer des variations mensuelles de prix, basées sur nos relevés effectués en grandes surfaces (pour l’alimentation, la boisson et l’hygiène-beauté), ainsi que sur les offres tarifaires tirées de nos comparateurs de prix (énergie, carburants, mutuelles, forfaits mobiles, fournisseurs d’accès à Internet, assurances habitation, banques, équipements électroménagers). Chaque prix est ensuite pondéré par la fréquence d’achat et agrégé dans une moyenne générale.
Pour les autres postes de dépenses (loyer, dépenses de logement et de transport, hôtels et restauration, loisirs, habillement et santé), Que Choisir se réfère aux évaluations de l’Insee.
Attention : par convention, les variations de prix sur une période (par exemple pour le mois de mai 2022) sont calculées par rapport à la même période de l’année précédente (le mois de mai 2021). Ceci afin de s’affranchir des mouvements saisonniers des tarifs (par exemple ceux des fruits et légumes, très dépendants de la saison et des conditions de récolte).