Billet de notre Président national : « Panier anti-inflation », un Gouvernement faux pompier, vrai pyromane !
Hier, Le Parisien a publié un article indiquant que Bercy planchait actuellement sur un « panier anti-inflation » dont pourraient bénéficier les consommateurs au moment de faire leurs courses en grandes surfaces. Concrètement, si on se réfère aux données disponibles dans la presse, le Gouvernement demanderait à chaque enseigne de la grande distribution de choisir parmi 20 familles de produits 1 référence à commercialiser à prix cassé, à partir de mars. Je pourrais me contenter de dire qu’il s’agit d’une fausse bonne idée, mais allons droit au but : il ne s’agit ni plus ni moins que d’une réelle mauvaise idée, plus proche de la farce que d’autre chose.
Je passe ici sur les discussions interminables qui pourraient avoir lieu sur la détermination de 20 familles de produits, pour me concentrer sur le fait que les enseignes choisiront selon leur bon vouloir les références concernées avec les conséquences que cela aura sur la comparabilité des offres, et en définitive, sur la réalité des « bonnes affaires » proposées aux consommateurs.
Qui pourra comparer le soi-disant prix cassé sur le kiwi pratiqué par une enseigne et le prix soi-disant cassé sur la barquette de groseilles pratiqué par une autre ?
Sera-t-il pertinent de comparer un sachet de 150 grammes de vermicelle à un paquet d’un kilo de spaghettis, ou encore une boîte de céréales du petit-déjeuner ayant un Nutri-Score A, à une autre ayant un Nutri-Score D ? Poser les questions, c’est y répondre.
En dehors des biens ou services dont les prix sont strictement régulés ou administrés, la concurrence est une condition sine qua non pour modérer les marges réalisées par les entreprises, et l’une des conditions nécessaires pour que cette concurrence soit effective, c’est la comparabilité des produits. Ici, il n’y aura pas de comparaison possible, et donc aucune véritable incitation à réduire strictement les marges.
Qui plus est, le concept de « prix cassé » est suffisamment vague pour que chaque enseigne y voit ce qui lui plaît, sans qu’aucune autorité ne puisse s’assurer que derrière les campagnes marketing qui ne manqueraient pas d’être lancées, se trouvent de véritables politiques de modération tarifaire. Un prix prétendument cassé pourra n’être que le prix traditionnellement pratiqué, sans nécessairement que cela ne pose de problèmes d’un point de vue légal.
Au-delà du fait qu’il s’agisse d’une remise au goût du jour du « panier des Essentiels » mis en place en 2011 par Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État chargé de la consommation, qui avait été un véritable échec, ce qui me pose le plus grand problème dans ce dispositif, c’est que le Gouvernement fasse mine de s’acheter une bonne conscience en prétendant être à l’œuvre pour trouver des solutions concrètes pour répondre à la problématique des prix en rayons qui explosent, alors même que parallèlement, en souhaitant prolonger l’expérimentation du relèvement du seuil de revente à perte (SRP), il braque le pouvoir d’achat des consommateurs. Pire, il braque celui des consommateurs les plus modestes, puisque l’obligation qui est faite aux distributeurs de réaliser depuis 2019 un minimum de 10 % de marges sur les produits alimentaires frappe durement les produits premiers prix, sur lesquels les marges étaient historiquement les moins élevées.
Alors que la proposition de loi visant à prolonger le relèvement du SRP est actuellement en discussion au parlement, j’attends du Gouvernement, s’il veut réellement rendre du pouvoir d’achat aux consommateurs, qu’il commence par mettre fin à cette mesure inflationniste – qui de plus ne profite pas aux agriculteurs – plutôt que de faire diversion avec un dispositif pipeau.
Alain Bazot
Président de l’UFC – Que Choisir