Alimentation – Le skyr, une arnaque à l’islandaise ?
Cette spécialité laitière a conquis le rayon frais des supermarchés : une dizaine de marques la vendent à prix d’or. Mais on peut se demander ce qu’elle a de spécial.
Blanc et pur comme la neige, il rend fort comme un Viking ! Voilà ce que semble promettre le marketing du skyr, ce fameux produit laitier « traditionnel de la cuisine islandaise depuis plus de 1 000 ans ». Sans matière grasse, riche en protéines, cet article a conquis les rayons frais des supermarchés, malgré des prix atteignant des sommets : autour de 9 € le kilo pour les marques Monoprix Gourmet et Siggi’s, soit entre 3 et 6 fois plus cher qu’un fromage blanc allégé.
Pourtant, aucun voyage depuis l’Islande ni tamisage dans une peau de renne ne justifie un tel surcoût ! La recette du skyr ressemble à s’y méprendre à celle du yaourt industriel, si ce n’est son égouttage plus long. Certes, le skyr est riche en protéines : il en contient en moyenne 30 % de plus qu’un fromage blanc allégé. Mais cette spécificité est probablement sans intérêt pour la plupart d’entre nous. « La grande majorité des Français, y compris les végétariens, ingèrent largement assez de protéines », affirme Stéphane Walrand, chercheur en nutrition humaine à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). « Notre consommation équivaut généralement à celle recommandée pour les sportifs d’endurance. Il est donc rarement utile de l’augmenter, même en cas de pratique régulière d’une activité physique », confirme Claire Gaudichon, experte en nutrition et comportement alimentaire au sein du même Institut.
L’effet coupe-faim sur la sellette
Quant à un éventuel rôle coupe-faim des protéines, non seulement « il n’est toujours pas clairement démontré », d’après la chercheuse, mais « la plupart des études qui le suggèrent ne l’observent pas en deçà d’une teneur de 20 g par portion », précise Anestis Dougkas, spécialiste des protéines laitières à l’institut Lyfe. Or, les skyrs n’apportent, par portion, que 2 ou 3 g de plus que la moyenne des fromages blancs allégés… Une différence « insuffisante pour avoir un effet sur la satiété », conclut-il. D’autant plus que, à mesure que le taux de protéines augmente, la texture s’épaissit. Or « les pâtes plus épaisses sont consommées en plus petites quantités », affirme Ciaran Forde, qui travaille sur ce sujet à l’université Wegeningen (Pays-Bas). Au final, vous n’ingérerez donc pas forcément plus de protéines, et aurez peut-être même plus rapidement faim. Bref, pour rester mince, mieux vaut simplement choisir le produit que vous avez tendance à consommer en plus grande quantité, parmi les yaourts nature, fromages blancs, fromages frais et skyrs car « ils sont tous autant favorables au maintien d’un poids sain », assure Anestis Dougkas.
« Les seuls pour lesquels les skyrs pourraient être un peu utiles sont les seniors, estime Stéphane Walrand, car à partir de la soixantaine, on manque parfois de protéines, ce qui favorise la fonte musculaire et augmente le risque de perte d’autonomie avec l’âge. Quelques grammes de plus par portion sont, dans ce cas, toujours bons à prendre. » À condition, là encore, de ne pas diminuer les quantités consommées.
Quid des petits-suisses…
Les fromages frais de type petits-suisses, qu’ils soient allégés ou non, contiennent autant de protéines que les skyrs. Mais ils sont vendus dans de minuscules pots en plastique et entourés d’un papier imbibé de conservateurs – ils s’avèrent donc moins recommandables.
… et des desserts Hipro ?
Ces produits à destination des sportifs ressemblent fortement aux skyrs, que ce soit en matière de prix ou de teneur en protéines. Mais ils contiennent beaucoup plus d’additifs !