Billet de notre Président national : explosion des prix alimentaires, pour la contenir, Matignon doit mettre un terme à la duplicité de Bercy !
Les négociations commerciales annuelles entre distributeurs et industriels viennent de s’achever ; le couperet est tombé : les prix des produits en rayon vont subir très rapidement une hausse moyenne de 10 % étant entendu que les produits alimentaires sont déjà en hausse de 15,6 % en un an !
Alors que cette nouvelle explosion des prix alimentaires n’est évidemment plus supportable pour des consommateurs déjà lourdement affectés par les niveaux actuels des prix, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui communique énormément ces derniers jours, a annoncé lundi le lancement d’un « trimestre anti-inflation », un dispositif permettant d’après ses dires de contenir la hausse des prix. Je vous le dis sans détour : c’est probablement l’opération de communication politique la plus grossière qu’il m’ait été donné d’entendre.
En effet, les grandes enseignes pourront pratiquer, sur les produits de leur choix, les prix « les plus bas possibles » pendant 3 mois, sans d’ailleurs s’engager sur des prix bloqués. Comme il s’agira de produits différents d’une enseigne à une autre (et a fortiori car il s’agira de marques de distributeurs), la capacité des consommateurs à comparer sera inexistante. Pire, ces opérations qui relèveront vraisemblablement davantage d’opérations marketing qu’autre chose, bénéficieront d’un label public, et donc d’un blanc-seing du Gouvernement.
Le Ministre annonce qu’il en coûtera « plusieurs centaines de millions d’euros » au secteur. D’où pareil chiffrage peut-il sortir ? Comment juger du coût pour le secteur quand rien ne garantit que le prix le plus bas ne soit pas en réalité un prix normal ?
Le plus insupportable reste le double langage du ministre. En effet d’un côté celui-ci fait mine de désigner la grande distribution comme la responsable de l’envolée des prix en l’implorant (c’est très populaire mais c’est pathétique) de vendre des produits aux prix les plus bas possibles, et de l’autre il soutient, et dans le même temps, une mesure législative inique qui leur impose de faire des marges d’au moins 10 % sur tout l’alimentaire, y compris sur tous les premiers prix. Cherchez l’erreur. Il ne faut pas être un grand économiste pour la trouver.
Je ne le dirai jamais assez fort : sauf à administrer les prix, et c’est parfois nécessaire quand la concurrence n’existe pas, aujourd’hui une seule mesure peut permettre une baisse immédiate et perceptible des prix alimentaires, particulièrement pour les produits traditionnellement vendus avec les marges les plus contenues tels que les produits premiers prix : mettre fin au SRP +10 (SRP = seuil de revente à perte). C’est non seulement indispensable, mais également possible. En effet, la proposition de loi Descrozaille, après avoir été discutée à l’Assemblée nationale et au Sénat, va passer en Commission mixte paritaire (CMP) le 15 mars.
Si à ce stade le gouvernement n’a plus le droit d’amender le texte, il peut de toute évidence œuvrer auprès des parlementaires pour que la suspension jusqu’en 2025 du SPR +10, qui avait été votée en commission des affaires économiques du Sénat, soit réintroduite.
C’est à cette fin que la CLCV, Familles Rurales et l’UFC-Que Choisir interpellent aujourd’hui la Première Ministre dans une lettre ouverte pour qu’elle prenne ses responsabilités en plaidant officiellement pour la suspension du SRP +10 et agisse concrètement auprès des parlementaires pour que cette suspension soit inscrite dans le marbre législatif.
Que les choses soient dites : si le SRP +10 est maintenu, le gouvernement et le parlement seront pleinement comptables des conséquences que cela aura sur le pouvoir d’achat des consommateurs.
Alain Bazot
Président de l’UFC – Que Choisir